Par Alain Moreau Les organisateurs de l'exposition « Picasso Erotique » présentée à Paris du 19 février au 20 mai 2001 et à Montréal du 14 juin au 16 septembre puis en dernier lieu à Barcelone du 26 octobre au 27 janvier 2002, ont salué le succès de cette manifestation itinérante qui a déjà attiré plus de 450 000 visiteurs mais ont oublié au passage avoir commis une belle bourde en présentant un faux finalement retiré avant l'accrochage des œuvres dans la capitale catalane.
« Excellent », commentait Jean Clair qui lors de sa visite éclair pour l'inauguration de Barcelone ne cessait de murmurer « tout est bon, tout est bon » en paraissant émerveillé.
La superproduction résultant de la collaboration de trois musées importants avec un record au niveau des commissaires –six en tout, ce qui est un fait unique dans les annales- a cependant était entachée d'un grand « hic » que personne apparemment n'a encore daigné signaler.
Durant les deux premières étapes de cette exposition, trois mois à Paris et autant à Montréal, on a présenté au public, aux spécialistes et aux amateurs un tableau qui était en fait un faux manifeste.
Ce tableau, en fait un pastiche contemporain de la jeunesse de Picasso, est daté vers 1903 dans le catalogue de l'exposition où l'on cite la première apparition de l'œuvre en question à la galerie Dalmau de Barcelone lors d'une exposition de Picasso en 1912. Selon la description sommaire de cette œuvre, il est signalé qu'il s'agirait de la seule toile dans laquelle Picasso se plaça dans une situation érotique.
Le propriétaire de cette œuvre est important puisqu'il s'agit du Metropolitan Museum de New York. Celle-ci a été retirée de l'exposition mais demeure en pleine page dans le catalogue imprimé au mois d'août 2001 à Poitiers. Le sujet, intitulé « Scène érotique » représente une fellation pratiquée sur Picasso. Il est répertorié sous le N°40 et reproduit deux fois, page 90 et page 181 dans toutes les éditions vendues par la FNAC à Paris, Madrid et Barcelone ainsi qu'au Musée Picasso.
Il y a pourtant une omission impardonnable dans le catalogue ; l'opinion de Picasso qui avait décrété que cette œuvre était fausse et avait catégoriquement refusé de la voir figurer dans le catalogue Daix-Boudaille « Picasso 1900-1906 ». Cette opinion a été reprise par Pierre Daix à la page 236 de son dictionnaire « Picasso », édité en 1995 chez Robert Laffont, ouvrage qui est également en vente à la FNAC et au musée Picasso.
L'excès d'experts, de spécialistes et de publications ne garantit pas une vérité absolue. N'empêche, cette exposition nous rappelle un certain conte de Hans Christian Andersen lorsque l'Empereur, victime de deux habiles escrocs qui prétendaient tisser une toile invisible aux benêts, défile nu devant l'indifférence complice de ses courtisans jusqu'à ce qu'un enfant ingénu et sincère crié avec innocence « mais le roi est nu ! » et que tous les dignitaires perfides et coupables ravalent leur mutisme.
Finalement, après une étude sérieuse et minutieuse, il a été possible de découvrir l'identité de l'auteur de ce pastiche. Celle-ci sera prochainement dévoilée sur artcult d'ici quelques jours.
(Alain Moreau est un critique d'art basé à Barcelone)