Le déclin de l'art serait dû à la mort de Dieu, ou du moins à son absence puisque la création s'apparente en fait à l'acte divin, précise l'essayiste George Steiner dans son dernier livre « Grammaires de la Création » publié par Gallimard au début du mois de juillet 2001. Ce livre est une méditation sur la création et Steiner affirme que l'éclipse du messianisme explique aujourd'hui la disparition d'œuvres majeures de notre horizon.
Il n'y a plus d'énergie créatrice du fait de l'absence de Dieu alors que la création s'apparente justement à l'acte divin de la création du monde. Pour Steiner, ce fut notamment Duchamp qui démantela d'un coup la définition de l'art occidental comme création originale en présentant des entonnoirs, des urinoirs ou des roues de bicyclette comme des œuvres d'art.
Les installations contemporaines constituées de tas de charbons, de pierres, de bouts de bois ou d'autres objets hétéroclites sont ainsi l'héritage de Duchamp qui par la suite a conduit à des actes artistiques d'autodestruction dans les années 1960.
Certes, Steiner pousse le bouchon un peu loin mais quelque part son affirmation n'est pas dénuée d'à-propos alors que la disparition de Picasso semble avoir laissé un grand vide au niveau de la création. Il n'y a plus de progrès dans l'art à vrai dire mais il reste tout de même des tâtonnements qui ne sont pas inintéressants quoiqu'il soit difficile pour les critiques et le public de pouvoir s'y retrouver.
L'art contemporain tâtonne mais il n'est pas mort et on imagine qu'il faudra encore une dizaine d'années avant de constater des évolutions significatives parmi tant de créations dont la plupart semblent contestables.
Il a bien fallu plus de trois décennies à l'Impressionnisme pour s'imposer et même si la création avance plus vite aujourd'hui, il faut encore du temps aux tendances pour que celles-ci trouvent leurs marques. Dieu étant apparemment absent du débat, on reste donc soumis à des aléas que personne ne peut appréhender avec certitude mais comme dit le dicton, le hasard fait bien les choses….
Adrian Darmon