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La FIAC pour sortir l'art contemporain de sa torpeur
01 Octobre 2005



La Foire Internationale de l'art contemporain (FIAC) ouvre ses portes le 7 octobre 2005 porte de Versailles à Paris avec l'ambition de séduire les collectionneurs et de sortir l'art contemporain français d'une longue torpeur.

Le projet est répété chaque année avec des résultats souvent décevants sauf pour les grosses pointures du marché, en majorité des étrangers, parce que le marché est moins favorable à Paris où les taxes, droit de suite en tête, sont plus lourdes qu'à Londres ou New York, nonobstant le fait que les artistes français font toujours pâle figure au box-office.

Les locomotives de l'art contemporain ont pour noms Gerhard Richter, Sigmar Polke, Arnul Rainer, Damien Hirst, Bruce Nauman, Jeff Koons ou Maurizio Cattelan alors que les seuls artistes français que les amateurs aiment vraiment sont Louise Bourgeois et Christian Boltanski.

La faute en revient à l'Etat qui privilégie une politique élitiste via l'achat d'œuvres par le truchement du Fonds National d'Art Contemporain (Fnac) et les Fonds régionaux (Frac) qui font souvent des artistes sélectionnés des assistés alors que leur avenir dépend surtout des galeries lesquelles n'ont cependant pas les moyens de les promouvoir efficacement en raison des moyens limités dont elles disposent.

La France fait ainsi figure de parent pauvre du marché de l'art contemporain puisqu'elle ne réalise que 4% du produit des ventes organisées à travers le monde. Elle a toutefois la chance d'avoir chez elle de gros collectionneurs comme François Pinault, Bernard Arnault et Antoine de Galbert qui sont de plus en plus courtisés mais ceux-ci n'achètent pas beaucoup d'œuvres d'artistes français trop peu connus en dehors de l'Hexagone alors que les Américains, les Allemands et les Britanniques ont le vent en poupe et que les Chinois et les Coréens commencent à faire leur nid au niveau international. Cette situation perdurera tant que le droit de suite (4%) grèvera chaque fois la vente d'une œuvre contemporaine. Destiné à protéger les droits des artistes, il ne fait finalement que les handicaper parce que les galeries ont trop de charges pour se permettre de les soutenir, ce qui signifie qu'un créateur qui ne vend pas grand chose est condamné à végéter.

Les 214 galeries, dont 115 étrangères, présentes à la FIAC feront de leur mieux pour assurer le succès de cette manifestation mais encore une fois, elles présenteront pour la plupart des artistes consacrés pour s'en sortir honorablement, ce qui sous-entend qu'elles prendront encore une fois peu de risques pour lancer de jeunes talents sur le devant de la scène.

Comme l'a signalé Harry Bellet dans "Le Monde", l'art contemporain est devenu de plus en plus lié au luxe et constitue désormais un style de vie. Ainsi, la mode a gagné les biennales d'art mais le danger est que celle-ci a le désavantage de changer, ce qui signifie que les artistes adulés aujourd'hui pourraient bien ne plus l'être demain.

Il est de fait que depuis des lustres des artistes ont apporté leur contribution à l'essor de la mode, notamment pour la création de tissus, de papiers peints ou de costumes alors que des couturiers en vue comme Paul Poiret ont été de grands collectionneurs. On n'ignore pas également que l'art contemporain a servi comme outil de marketing pour des entreprises du domaine du luxe dont plusieurs dirigeants, tels François Pinault et Bernard Arnault, ont constitué d'admirables collections. Ce rapport étroit entre l'art et luxe s'explique par le fait qu'ils attirent des gens aisés qui désirent se valoriser, ce qui signifie qu'on a affaire à un marché élitiste dont les frontières sont délimitées.

Jusqu'à présent, l'art n'a intéressé qu'un petit nombre d'individus ce qui paraît antinomique en regard du fait qu'il fait partie de plus en plus de la vie de tous les jours. On reste ainsi loin du principe édicté par Marcel Duchamp selon lequel tout est art parce que l'art reste hors de portée des masses qui ne peuvent que visiter des musées et des expositions pour admirer des oeuvres mais qui n'ont pas les moyens de collectionner. Et quand bien même celles-ci désireraient miser le peu d'argent dont elles disposent sur des artistes en devenir, elles seraient bien en peine de les connaître car peu de galeries parviennent à lancer de jeunes talents.

Pourtant, le Genevois Pierre Huber a tenté une expérience intéressante à la FIAC en présentant 1 000 exemplaires d'un tableau rouge réalisé par Raphaël Julliard, un artiste méconnu, proposés à 100 euros pièce sur son stand. Inutile de dire que les visiteurs, encore des privilégiés, n'ont pas boudé leur plaisir pour les acheter au milieu d'une sacrée cohue.

Chaque année à la FIAC, quelques artistes sortent de cette façon du rang grâce à un superbe coup de marketing initié par quelque galeriste intuitif et ceux qui ont été admis au club des happy few ces dernières années, comme Kader Attia, Gilles Barbier, Lionel Estève ou Olivier Blankart, se contentent souvent d'apprécier leur nouvelle notoriété sans trop se soucier de ceux qui continuent à galérer parce que depuis la nuit des temps, l'acte de création est individuel et que la politique du chacun pour soi est de mise. Comme les spermatozoïdes, les artistes luttent férocement pour féconder leur gloire et malheur aux laissés pour compte.

Voilà un peu pourquoi, la FIAC révèle aussi peu de talents au fil des ans, ce qui a amené à plus d'un visiteur à dire qu'on ne fait qu'y découvrir les mêmes bien que les oeuvres d'artistes modernes, morts depuis belle lurette comme Calder, Klee, Dubuffet, de Staël ou Fautrier se voient de moins en moins durant cette manifestation où on propose encore à profusion des créations d'Arman, Raysse, Baselitz, Combas, Stella, Hybert ou Spoerri.

La FIAC s'est donc instrumentalisée autour des goûts basée sur les valeurs du moment sans trop chercher à favoriser de jeunes artistes, les seuls inconnus étant présentés par des galeries chinoises ou russes qui ont du courage à revendre pour lancer de nouveaux talents dans le bain. On est donc loin de la folie ambiante de la foire de Bâle ou Frieze de Londres, des lieux qui semblent plus propices à l'innovation.

Cette manifestation a aussi donné plus de poids au design contemporain en présentant des meubles de l'Israélien Ron Arad, du Canadien James Donahue ou de Fernando et Humberto Campana tout en donnant du lustre à cette section avec des créations d'Adnet, Prouvé ou Charlotte Perriand.

Décevante la FIAC ? Probablement pour les amateurs en mal de découvertes mais pas pour ceux qui suivent la mode comme les moutons de Panurge en disposant de moyens pour s'offrir des oeuvres aujourd'hui recherchées sur le marché qui se porte somme toute très bien comme la Bourse depuis ces derniers mois. Mais à vouloir faire du marché de l'art contemporain le pendant d'un marché financier, on risque à moyen terme de s'exposer à de sérieux retours de bâton.

La mode est une sorte de must et pas forcément ce qu'on aime avec le coeur. Or l'art a surtout été synonyme d'émotion avec une notion de libre arbitre. Acheter des oeuvres parce que cela fait bien revient à choisir des produits imposés par de savantes campagnes de marketing et ne signifie pas que l'on devienne un connaisseur pour autant. L'histoire a pourtant démontré que les grands artistes ont été ceux qui au départ n'étaient pas vraiment à la mode.

A. D

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