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Mort de Daniel Wildenstein
25 Novembre 2001



Le célèbre marchand d'art et collectionneur Daniel Wildenstein est mort à Paris le 23 octobre 2001 des suites d'une intervention chirurgicale. Agé de 84 ans, il était aussi le plus important propriétaire de chevaux de course en France.

Spécialiste de nombreux peintres, notamment Fragonard, Manet ou Monet, Daniel Wildenstein avait, par l'intermédiaire de son institut, fait publier de nombreux catalogues raisonnés, dont ceux de Modigliani, Gauguin, Lebourg, Van Dongen, Vlaminck et tout récemment Pissarro et Utrillo.

Héritier d'une grande dynastie de marchands, Daniel Wildenstein dirigeait des galeries à New York, Paris, Londres et Tokyo et possédait une fabuleuse collection d'objets d'art et de tableaux.

Affaibli depuis quelques semaines, il avait néanmoins pu mener ses activités jusqu'au début du mois d'octobre. Ses fils, Alec et Guy auront la lourde tâche de lui succéder.

Craint et respecté, considéré à tort ou à raison comme une sorte de parrain tirant les ficelles du marché de l'art, Wildenstein avait passé les dernières années de sa vie à défendre la mémoire de son père Georges, accusé par l'écrivain Hector Féliciano, d'avoir eu un rôle quelque peu trouble durant la Seconde Guerre Mondiale.

Selon Féliciano, Georges Wildenstein, réfugié alors à New York, aurait eu des contacts secrets avec les Allemands dans le but de préserver ses intérêts en France et selon d'autres sources, ce dernier aurait également acquis des oeuvres confisquées par les nazis à des collectionneurs juifs.

Daniel Wildenstein n'avait pu obtenir satisfaction en justice pour laver son honneur et avait été également poursuivi par les héritiers de la famille du collectionneur Alphonse Kann qui n'ont cessé de lui réclamer une série de manuscrits médiévaux d'une grande valeur qui auraient été dérobés à leur parent durant la guerre. Un tribunal new-yorkais venait d'ordonner le mois dernier que les livres de comptes de la galerie Wildenstein soient soumis à la justice américaine dans le cadre de cette affaire.

Wildenstein disait que sa famille avait élevé la discrétion au rang de mutisme. "On ne parle pas, on ne raconte pas, on ne se raconte pas. Nous avons toujours été terriblement secrets et c'est probablement un tort", avait-il avoué dans un livre d'entretiens avec le journaliste Yves Stravidès ("Marchands d'Art" Plon) alors que le divorce agité de son fils avait défrayé plus d'une fois la chronique outre-Atlantique.

Les Wildenstein, famille d'origine juive ashkénaze installée en France au XVIIIe siècle, étaient au départ de simples colporteurs. Ce fut Nathan qui, après avoir fui l'Alsace occupée en 1870 par l'Allemagne, devint le premier marchand de la dynastie. Après avoir commencé comme chiffonnier, il s'était intéressé aux tableaux du XVIIIe siècle, notamment des oeuvres de Watteau, Fragonard ou Boucher.

Nathan mourut en 1934 en léguant une fortune colossale à son fils Georges lequel s'intéressa aux Impressionnistes et à l'art moderne tout en continuant à collectionner des oeuvres et des objets d'art du XVIIIe siècle. Après sa mort en 1963, Daniel, né le 11 septembre 1917, lui succéda et développa l'affaire familiale avec un sens aigu des affaires.

Licencié es-lettres, ancien étudiant de l'Ecole du Louvre, il fut de 1956 à 1962 directeur des expositions du Musée Jacquemart-André à Paris, de l'Institut de France et du musée de Chaalis dans l'Oise.

Marchand avisé, il avait créé l'Institut Wildenstein pour réaliser des catalogues raisonnés qui lui procuraient une autorité de poids sur de nombreux artistes. Doté d'un oeil et d'un flair extraordinaires, il savait repérer et "sentir" un chef d'oeuvre et les amateurs venus le consulter tremblaient dans l'attente de son verdict. Si l'authenticité d'une oeuvre qui lui était soumise lui sautait aux yeux, il ne manquait pas alors de faire une offre pour l'acheter mais celui qui la refusait s'exposait dès lors à ce qu'elle ne reste qu'un pastiche.

Ce fut Georges qui avait assis encore plus la toute-puissance de la dynastie et qui fut d'ailleurs accusé ouvertement par André Malraux, alors ministre de la Culture, d'avoir corrompu des fonctionnaires pour vendre hors de France "La Bonne Aventure" de Georges de La Tour. Daniel, lui ne fit que perpétuer ce sens de l'appétit inextinguible des Wildenstein pour tout ce qui était beau et rare.

Daniel Wildenstein, qui était ainsi à la tête d'une extraordinaire collection d'oeuvres du XVIIIe siècle et de tableaux impressionnistes et modernes, possédait également l'une des plus belles écuries de chevaux de course.

Ses deux fils, Guy et Alec, prennent aujourd'hui le relais avec la lourde tâche de préserver les acquis de la maison Wildenstein qui a notamment dû suspendre la publication des oeuvres graphiques d'Amédéo Modigliani suite à diverses contestations débattues en justice.

A.D

artcult@wanadoo.fr

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