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A Drouot, les ventes c'est souvent enchères et en hausse (AD)

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L'année 2004 s'annonce bonne pour les tableaux anciens
01 Mars 2004



Le domaine des tableaux anciens est souvent exempt de mauvaises surprises pour les acheteurs d'œuvres de qualité et leur permet souvent de réaliser d'excellentes plus-values depuis ces dix dernières années et ce, même lorsque le marché de l'art marque le pas, comme c'est le cas actuellement.

Les ventes des 21 et 22 janvier 2004 organisées par Sotheby's et Christie's à New York ont ainsi été marquées par des enchères parfois ahurissantes comme celle de 8,68 millions de dollars prononcée pour une huile sur panneau du peintre hollandais du XVIIe siècle Hendrick Avercamp représentant une scène d'hiver animée (Sotheby's, 53,5 x 94,5 cm).

Pourquoi une telle enchère ? Tout simplement parce que Avercamp (1585-1665) a été le maître incontesté des scènes d'hiver durant son vivant et même après sa disparition. D'autre part, les chefs d'œuvre de ce peintre sont rares sur le marché, ce qui signifie que les amateurs argentés ne lésinent pas à la dépense lorsque l'un d'eux est présenté dans une vente publique. Du reste, la progression de la cote d'Avercamp semble phénoménale puisqu'il y a quatre ans, elle s'établissait à quelque 800 000 euros pour un format moyen de 65 x 54 cm. L'œuvre vendue à New York est plus grande mais, selon les prix enregistrés pour cet artiste, on ne pouvait en attendre mieux que 1,5 million d'euros. Aujourd'hui, Avercamp n'est pas loin de faire concurrence aux grands maîtres comme Rubens ou Poussin quoique la superbe enchère atteinte à New York soit à maints égards exceptionnelle. En attendant, elle relèvera certainement le niveau des prix pour les tableaux moins spectaculaires de ce peintre qui représenta maintes fois les bourgeois de son temps en promenade dans la neige et sur la glace.

C'est le marchand Richard Green qui a prononcé l'enchère finale, ce qui veut dire que le prix affiché en galerie sera autrement plus conséquent. A-t-il été trop loin pour espérer ensuite le vendre à plus de 10 millions de dollars à un amateur qui n'aura pas eu l'intelligence d'enchérir en salle ? Apparemment, les marchands savent ce qu'ils font en prenant des risques puisque Noortman affiche aujourd'hui à la foire de Palm Beach (Floride) un Rembrandt à 25 millions de dollars qu'il a acquis en vente en janvier 2001 chez Christie's pour la moitié de ce prix. Trois ans plus tôt, le milliardaire Steve Wynn l'avait acheté chez Sotheby's pour 9,1 millions de dollars. En moins de six ans, le prix de ce Rembrandt pourrait donc tripler, ce qui prouve que les grands marchands n'ont pas froid aux yeux dans un contexte qui se révèle pour le moins difficile. Evidemment, l'acheteur d'une telle œuvre aura eu la satisfaction de la voir accompagnée par le label Noortman qui vaut à lui seul la bagatelle de plus de dix millions de dollars.

A cet égard, de nombreuses œuvres passées aux enchères voient leurs prix être doublés en galerie mais d'autres atteignent en vente des limites infranchissables par ailleurs. Il faut simplement se dire que les marchands ont un sens inné pour acquérir des tableaux pour lesquels ils seront quasiment certains d'obtenir un bénéfice substantiel car ils savent par avance disposer d'un panel de clients pour les revendre alors que d'autres œuvres qui passent en vente sont par la suite « plombées » tout simplement parce que les professionnels ont poussé les enchères au plus haut chaque fois qu'ils ont acquis la certitude que le seuil acceptable de leur prix était dépassé et qu'ils n'en tireraient qu'un très faible bénéfice en les vendant dans leurs galeries.

Savoir discerner les bonnes affaires potentielles des moins bonnes, voilà le jeu subtil auquel se livrent les professionnels avisés quoique la subtilité risque parfois de laisser la place au risque lorsque les enchères s'emballent au-delà du raisonnable.

Chez Christie's, une nature morte du peintre espagnol Luis Melendez (1716-1780), un contemporain de Chardin, a culminé au prix ébouriffant de 4 millions de dollars, une enchère pour le moins surprenante lorsqu'on sait que certains critiques ne se privèrent pas de décrire ses œuvres comme un reflet affaibli de la nature morte espagnole du XVIIe siècle. Cela n'enlève rien à leur qualité décorative mais l'explosion de la cote de cet artiste depuis ces cinq dernières années suscite de multiples interrogations alors que cette enchère se situe pratiquement au niveau de celles atteintes pour les meilleures œuvres de Jan Huysum, le grand maître hollandais de la nature morte au XVIIe siècle. Il serait quand même présomptueux de comparer Melendez à ce dernier et si on cherche à expliquer ce prix étonnant, on ne trouvera comme facteurs significatifs la rareté des pièces exceptionnelles sur le marché et l'intérêt manifesté par les amateurs espagnols pour tout artiste ibérique de talent. Toutefois, voir Melendez taquiner Velasquez, cela fait quelque peu désordre aux yeux des spécialistes du marché.

Chez Sotheby's, un intérieur d'église par Saenredam a été enlevé pour 1,85 million de dollars, une enchère un peu plus conforme pour cet artiste spécialiste des scènes architecturales.

Il convient néanmoins de souligner que les amateurs sont de plus en plus sélectifs quant à la qualité des tableaux proposés, l'intérêt des scènes représentées et surtout pour les œuvres jamais vues sur le marché. Ainsi, une vue du Lac Majeur par Vanvitelli (1653-1736), un artiste spécialiste des vues de Rome, a été adjugée pour 1,57 million de dollars chez Sotheby's.

Chez Christie's, une « Jeune fille à la colombe » par Greuze a été cédée pour 231 500 dollars, tout comme une « Fête galante » de Lancret, le dauphin de Watteau. Plus surprenant, un portrait de femme plutôt avant-gardiste pour son époque par Salomon de Bray (1597-1664) a atteint chez Sotheby's l'enchère étonnante de 1,52 million de dollars. D'habitude, cet artiste culmine à
500 000 euros pour ses plus beaux tableaux, ce qui signifie que sa progression est pour le moins phénoménale.

Une nature morte de fleurs par Van Spaendonck a été vendue pour 1,07 million de dollars, une enchère qui suscite des sentiments mitigés car cette œuvre avait atteint 1,06 million de dollars en 1994, un prix supérieur si on prend en considération un indice d'inflation de 6% sur une décennie et une valeur du dollar aujourd'hui en baisse. Là, il y a assurément une moins-value d'au moins 15%, ce qui démontre qu'on ne gagne pas à tous les coups dans le domaine des tableaux anciens.

Quoiqu'il en soit, les enchères sont en hausse en règle générale sauf pour les œuvres de qualité moyenne. Il convient surtout de noter que de nombreux peintres de talent mais moins réputés que les grands maîtres ont bénéficié d'une progression étonnante en moins de dix ans (parfois plus de 50%) en ce qui concerne leurs productions majeures. L'explication tient dans le fait que les peintures exceptionnelles sont de plus en plus rares sur le marché, ce qui pousse les prix vers le haut. Autre facteur de hausse, la crise économique mondiale qui incite les riches amateurs à placer leur argent là où les pertes éventuelles peuvent être les plus faibles. Il existe certes un risque de surchauffe car arrivera le moment où une reprise économique entraînera une stagnation des prix et incitera les acheteurs à moins avoir le réflexe de mettre leur argent dans le même panier. On sera alors confronté à une période similaire à celle de 1991 lorsque les prix chutèrent après une vague intense de spéculation sur le marché de l'art. Le tout est de savoir mettre le frein au moment opportun. N'empêche, l'année 2004 s'annonce bonne pour les tableaux anciens de qualité.

Adrian Darmon

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