Le photographe de renommée internationale Henri Cartier-Bresson est mort dans sa maison du Lubéron le 3 août 2004 à l'âge de 95 ans. Né à Chanteloup en 1908, Henri Cartier-Bresson avait créé en 1947 l'agence photographique Magnum avec Robert Capa. En 1975, l'éditeur Tériade le persuada de renouer avec sa passion du dessin et de la peinture. Depuis cette année là, il avait montré ses dessins, notamment des nus, des paysages et des squelettes d'animaux, dans plusieurs expositions personnelles.
Considéré comme un des plus grands photographes du XXe siècle, Cartier-Bresson laisse derrière lui une importante production dans les domaines de la photo de reportage et de la création artistique.
Autodidacte, issu d'une famille bourgeoise mais anarchiste dans l'âme, Cartier-Bresson était doté d'une immense culture. Admirateur de Cézanne, Van Eyck, Piero della Francesca ou Paolo Uccello, il a exercé une énorme influence sur de nombreux photographes de son temps.
Souvent guidé par le hasard, Cartier-Bresson eut pour principe de faire en sorte de se laisser prendre par la photo ainsi que l'instant fugace et que les images soient muettes pour parler avant tout au coeur et aux yeux tout en respectant la notion d'harmonie.
Armé d'un Leica, un appareil léger dont il fut le meilleur promoteur, Cartier-Bresson capta avec art des milliers de situations impromptues et réalisa nombre de clichés surréalistes, ce qui ne manqua pas d'attirer l'attention d'André Breton, Aragon et de leurs amis. Ses images à la sauvette firent ainsi le tour de la planète et lui valurent une réputation de maître de la photographie qui ne fut guère usurpée.
A ses débuts, impressionné par Eugène Atget, il fréquenta les cabarets et le monde interlope avant de rencontrer Breton, Max Ernst, Dali ou Crevel. Ainsi, durant les années 1920, travaillant déjà à l'intuition, il rechercha avant tout des sensations et des émotions en demandant à la réalité de devenir fantastique. Aventurier dans l'âme sous ses habits de bourgeois aisé, il voyagea beaucoup, notamment en Afrique, en Italie ou au Mexique en réalisant des clichés dans la veine surréaliste mais toujours avec un souci de spontanéité qui fit de lui un photographe né.
Fait prisonnier au début de la Seconde Guerre Mondiale, Cartier-Bresson, peu avare d'audace, parvint à s'évader puis se lança dans le reportage, non pas avec le souci de se dégager du Surréalisme mais parce que le monde et les préoccupations avaient changé. Confronté à l'actualité, il créa avec Robert Capa et David "Chim" Seymour l'agence Magnum en 1947 puis partit en Asie, couvrant au passage la prise du pouvoir par Mao Tsé Toung, la mort de Gandhi et l'indépendance de l'Indonésie.
Passionné par le reportage mais toujours désireux de prendre des clichés sur le vif, il fit les beaux jours de "Paris-Match" ou de "Life" puis, au début des années 1970, il se consacra avant tout au dessin tout en bénéficiant d'expositions phares, comme sa rétrospective à la Bibliothèque Nationale en 2003, consacrées à sa production photographique.
Ce fut surtout à l'étranger qu'il fut consacré star de la photographie alors qu'en France, les grands musées l'ignorèrent. Son secret, s'il en eut un, fut de prendre son temps pour mémoriser des scènes, tels des flagrants délits, qui aujourd'hui sont devenues quelque mythiques. Il vivait avant tout au quotidien en prenant la peine d'observer un monde, celui des années 1930 à 1960, qui n'était pas encore régi par la vitesse, ce qui fit que ses instantanés se transformaient en épisodes sur lesquels pouvaient se greffer des histoires et qu'ils pouvaient aussi devenir des oeuvres d'art.
Au fil du temps, il se constitua une sorte de journal créé à travers ses photographies et resta à l'écart des clans et des partis en demeurant un révolté, une sorte de libertaire, qui méprisa Aragon et tourna le dos à Breton qui avait osé critiquer Giacometti, son maître à penser. Ce fut surtout au contact de ses amis américains qu'il se sentit le mieux à l'aise et ce fut d'ailleurs à New York qu'il fut consacré avec des expositions chez Julien Levy et au MoMA en 1947.
Cartier-Bresson se laissait conduire par les coïncidences, et elles furent nombreuses durant sa riche carrière, mais il détestait que l'on mette des textes sous ses photos car ceux-ci changeaient souvent leur sens.Par ailleurs, son association avec Capa et Seymour lui permit de bien vivre de son métier tout en veillant à ne pas faire n'importe quoi. Se considérant l'héritier d'une tradition initiée par Walker Evans, il constata que son rôle était seulement de témoigner en refusant de mettre son travail au service d'une idée. Confiant dans l'homme mais trouvant la société détestable, il ne fit que regarder et montrer en se découvrant comme le surréaliste de la réalité. Cartier-Bresson fut en fin de compte un voleur d'images apte à rendre ce qu'il avait emprunté.
Cartier-Bresson, qui étudia la peinture avec André Lhote en 1927, avait publié en 1979 un recueil intitulé "HCB Photographe" puis exposé en 1988 au Centre national de la photographie au palais de Tokyo en 1988 et créé l'an dernier la fondation qui porte son nom.