Baisse du pouvoir d'achat, baisse du dollar, baisse du moral des ménages, baisse des ventes sur le marché de l'art, hausse du prix du pétrole, le démarrage de l'année 2005 aura été en tous points décourageant. L'année 2004 a été catastrophique pour les professionnels en raison de l'absence des acheteurs américains pénalisés par un dollar faible. La faute à l'euro, dira-t-on, surtout que nombre de pays liés désormais à cette devise auraient déjà été amenés à dévaluer qui le franc, qui la lire, qui le Deutsch mark face à une conjoncture économique franchement mauvaise.
L'Europe a du bon quand tous les rouages économiques des pays membres de la CEE fonctionnent mais elle devient synonyme de problème à partir du moment où ceux-ci sont grippés. Mais il y a pire du fait que de nombreuses entreprises européennes soumises à des charges sociales trop lourdes se mettent alors à délocaliser au point que de nombreux Etats finiront par ne plus avoir d'industries viables.
Le marché de l'art a de son côté un statut particulier puisqu'il ne peut bien fonctionner que dans le cadre d'une forte expansion économique qui permet aux individus d'effectuer des dépenses dans le domaine du superflu. L'acquisition d'une œuvre d'art passe donc en bout ligne après les dépenses courantes, les achats de biens d'équipements et les loisirs.
La montée du chômage en Europe a eu pour effet de restreindre les dépenses des individus actifs gagnés peu à peu par la hantise de se retrouver un jour sans emploi. En outre, la moyenne des salaires dans les secteurs privé et public a baissé au point de créer un malaise qui s'est traduit par une réapparition de l'agitation sociale en France.
De nombreux secteurs, comme l'automobile et l'habillement, ont été affectés par la crise et on comprend dès lors que les professionnels du marché de l'art aient du souci à se faire.
De plus, l'horizon sur le marché a été considérablement modifié d'une part à cause de l'absence des acheteurs américains en Europe et d'autre part en raison de la raréfaction d'œuvres exceptionnelles proposées dans les ventes aux enchères où les catalogues se sont appauvris au fil des ans. La marchandise courante, quant à elle, a été délaissée du fait de la réduction du pouvoir d'achat des classes moyennes.En outre, les ventes par Internet ont capté une partie non négligeable de la clientèle des professionnels habituée à acheter des pièces proposées entre 100 et 5000 euros l'unité.
Le marché de l'art ne survit donc qu'à travers des ventes d'œuvres de qualité musée qui représentent des valeurs refuges pour de riches acheteurs peu affectés par la crise. Les placements vont ainsi bon train mais la raréfaction des œuvres exceptionnelles risque d'entraîner une stagnation qui aura des répercussions sur les chiffres d'affaires des grands marchands.
Après la guerre du Golfe en 1991, la réorganisation des grandes maisons de vente et la réforme des ventes publiques en France, le marché a subi une profonde mutation qui a surtout profité à New York dont la prédominance s'est amplifiée alors que le marché aux puces de Saint-Ouen, le plus important au monde, a subi depuis ces trois dernières années un marasme sans précédent propre à provoquer sa disparition au cas où la crise économique persisterait jusqu'à l'an 2006.
Faute d'amateurs et surtout d'un boom économique salutaire, des dizaines de commissaires-priseurs et des milliers de marchands seront forcés de cesser leurs activités. C'est là une perspective navrante et malheureusement inéluctable. A moins d'un miracle…