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Archives des News

LA CEREMONIE DE L'INHUMATION DEFINITIVE DU CŒUR DE LOUIS XVII DANS LA CRYPTE DE LA BASILIQUE DE SAINT-DENIS
01 Mai 2004



Maintenant que la preuve formelle a été faite que le cœur subtilisé par le docteur Pelletan lors de l'autopsie du corps de Louis XVII le 9 juin 1795 appartenait bien à ce dernier et non à un enfant qui aurait été mis à sa place pour favoriser son évasion, la France pourra célébrer sa mémoire le 8 juin 2004, date anniversaire de sa mort, lors d'une cérémonie émouvante organisée dans la crypte de la basilique de Saint-Denis.

Il aura fallu attendre plus de 200 ans pour lever un mystère qui a fait couler beaucoup d'encre et suscité des passions parfois débordantes et d'autres fois ridicules, l'hypothèse de l'évasion du petit roi ayant finalement été écartée suite aux analyses d'a.d.n du cœur notamment comparées avec celles de sa mère, la reine Marie-Antoinette.

Après l'inhumation de l'enfant dans une fosse commune du cimetière de Sainte-Marguerite, le fossoyeur Bertrancourt affirma l'avoir secrètement exhumé pour l'enterrer dans le pilier de la porte de la chapelle de communion, à gauche, en entrant par le cimetière. Des fouilles menées en 1970 par la commission du Vieux Paris infirmèrent cette affirmation.

Par contre, un squelette au crâne scié avait été trouvé dans le cimetière en 1846 mais les analyses montrèrent qu'il s'agissait de celui d'un adolescent d'environ 14 à 18 ans. Certains historiens pensèrent qu'il s'agissait néanmoins de Louis XVII mais d'autres estimèrent que la confusion était due à la présence d'autres corps autopsiés dans le cimetière, ce qui du reste n'avait rien d'anormal. En attendant, les partisans d'une évasion n'avaient pas trouvé de preuve tangible pour accréditer cette hypothèse alors que le cœur subtilisé par le docteur Pelletan représentait en fait la seule clé de l'énigme.

On n'aurait certes pas attendu deux siècles pour déterminer que ce cœur appartenait bien à l'enfant mort au Temple si Louis XVIII et la duchesse d'Angoulême n'avaient pas refusé d'écouter le témoignage du docteur Pelletan et de se convaincre de sa véracité. Il est non moins vrai que l'apparition de dizaines de personnages douteux se prétendant le petit roi rescapé du Temple avait amplifié leur prudence d'autant plus que la science n'était pas alors à même de prouver à qui appartenait ce cœur.

Les enjeux, tantôt dynastiques, tantôt historiques, ont longtemps brouillé les pistes mais l'analyse a.d.n du cœur a permis de clore le dossier. Néanmoins, il restera encore des gens qui persisteront à nier l'évidence, notamment les partisans d'une évasion de Louis XVII et de sa réapparition sous les traits de Karl Wilhelm Naundorff ou encore ceux qui pensent que le cœur analysé n'était pas celui du duc de Normandie mais celui conservé au Val-de-Grâce de son frère aîné, Louis-Joseph mort le 4 juin 1789.

On sait qu'en 1793, en pleine terreur, on profana l'abbaye du Val-de-Grâce, où se trouvaient les cœurs de plusieurs enfants royaux enchâssés dans des boites de plomb enfermées dans des boîtes en vermeil. On fondit celles-ci pour en récupérer les matériaux tandis que les cœurs furent jetés à la voirie. Par miracle, le cœur du fils aîné de Louis XVI échappa à la profanation mais on en perdit la trace après 1817.

Y-eut-il un mélange des cœurs ? Probablement pas puisque le cœur du premier dauphin mort en 1789 fut embaumé alors que celui de Louis XVII fut directement conservé dans une solution d'eau et d'alcool, ce qui au fil du temps eut pour résultat le dessèchement de l'organe devenu alors dur comme de la pierre.

La cérémonie d'inhumation du cœur de Louis XVII aura donc lieu sous l'égide du Mémorial de France à Saint-Denys, fondé le 1er mai 1914 lors du 7e centenaire de la victoire de Bouvines pour célébrer la levée de l'oriflamme de Saint-Denis par Philippe Auguste. Il convient de rappeler que la basilique royale de Saint-Denys a été le haut lieu de la France en étant garant de ses origines et de ses légitimités.

Ce fut dans cette basilique que furent enterrés les rois de France alors que Saint-Denis tire son nom du grec Denys l'Aéropagite, converti par Saint Paul, qui fut envoyé par le pape Clément 1er pour évangéliser Lutèce. Après sa décapitation sur la colline de Montmartre, il ramassa sa tête et s'en fut en la portant dans ses mains en chantant des cantiques à la gloire de Dieu, semant ainsi la panique parmi les Romains. Il marcha jusqu'à un jardin où une jeune chrétienne du nom de Catula cueillait des fleurs. Saisie par un tel prodige, elle s'empressa d'accueillir et de dissimuler le précieux corps tandis que les soldats romains étaient lancés à la poursuite de Denys. D'autres disciples l'enterrèrent à la hâte et semèrent sur sa tombe une poignée de graines qui poussèrent instantanément, soustrayant ainsi le corps saint aux recherches.

Ce martyr eut lieu vers le milieu du IIIe siècle alors que les premières communautés chrétiennes venaient d'éclore en Gaule. Il est d'ailleurs établi que sept évêques, dont l'un s'appelait Denys, furent envoyés de Rome au IIIe siècle pour évangéliser la Gaule. La ville de Lutèce lui fut dévolue. Il en fut le premier évêque et son succès fut tel que, considéré comme un danger pour le pouvoir établi, il fut décapité en compagnie de ses disciples Rustique et Eleutère sur la colline portant le nom de Mons Martyrium (Montmartre) au cours de la persécution qui sévit sous le consulat de Decius et Gracus entre 249 et 251. Un monument fut érigé sur la triple tombe et les foules se précipitèrent, attirées par de nombreux miracles. Cependant, le mythe de l'Aéropagite n'apparut seulement qu'au IXe siècle dans les écrits de l'abbé Hilduin.

Sainte Geneviève, la patronne de Paris qui défendit la ville en 451 contre les Huns fit construire la première église connue dédiée à Saint Denis vers 475. Le rayonnement de Saint Denis incita ensuite Clovis à choisir Paris comme capitale de son royaume et après lui, les rois mérovingiens vouèrent un culte à cette église en s'y faisant enterrer. Les fouilles ont confirmé cela depuis le Ve siècle et permis de constater que l'église construite sous les ordres de Sainte Geneviève était beaucoup plus grande qu'on ne l'avait imaginé.

Ce fut Dagobert, devenu roi en 622, qui entreprit avec l'aide de son ministre l'évêque Saint Eloi, de reconstruire la basilique en l'élargissant par deux nefs latérales et ce fut à lui que l'on dut la fondation de la première communauté monastique régulière destinée à assurer la permanence du service divin et la garde des reliques.

En 754, face à l'insuffisance des derniers Mérovingiens, Fulrad, abbé de Saint-Denis depuis 749, obtint de faire couronner Pépin le Bref par le pape Etienne II en 754 dans l'église qu'il agrandissait et qui fut achevée par son fils Charles, dit Charlemagne.

Pépin le Bref descendit en Lombardie et après sa victoire, remit au pape les villes conquises. Ce fut l'origine du pouvoir temporel des papes pendant que la France s'y qualifiait « fille aînée de l'Eglise ».

Ce fut le 24 février 775, dans la 7e année de son règne, que l'empereur Charlemagne assista à la dédicace de l'abbatiale carolingienne qu'il proclama « Chef et maîtresse des églises du royaume » tout en faisant de l'abbé de Saint-Denis le premier des prélats de France.

Abbé laïque de Saint-Denis, Hugues Capet fut proclamé et sacré roi de France en 987 alors que les Français adoptèrent pour cri d'armes « Montjoie Saint-Denys » tandis que le rouge gonfanon de l'abbaye devint l'oriflamme, symbole de l'unité de la France qui fut notamment levé victorieusement en 1124 par Louis VI le Gros.

Suger, abbé de Saint-Denis (1081-1151) s'attacha à reconstruire l'église carolingienne qui tombait en ruines. Il commença par le narthex consacré en 1140 et l'abside, consacrée en 1144, et dota ces nouvelles constructions de superbes vitraux dont quelques uns subsistent encore. Ce fut d'ailleurs à Saint-Denis que naquit l'art gothique.

En 1214, Philippe Auguste leva l'oriflamme à la suite de la glorieuse bataille de Bouvines mais celui-ci disparut à la bataille d'Azincourt, probablement détruit par ceux qui en avaient la garde pour éviter qu'il ne tombât entre les mains de l'ennemi.

Saint-Louis fit en partie réédifier l'église par Pierre de Montereau, l'architecte de la Sainte Chapelle, et fit aménager les tombeaux de ses prédécesseurs des trois dynasties. A la suite de sa mort à Tunis, son corps fut déposé à Saint-Denis par son fils Philippe III le Hardi alors que Charles V y fit ensevelir le connétable du Guesclin.

Au soir du 13 septembre 1429, Jeanne d'Arc, blessée, vint accrocher un ex-voto à la basilique et on pense que ce fut là qu'elle eut connaissance de la fin de sa mission. Durant la Renaissance, de merveilleux monuments furent élevés à Saint-Denis comme les tombeaux de Louis XII, de François 1er et de Henri II alors que ce fut dans l'église que Henri IV embrassa la foi catholique.

Louis XIII et Richelieu réformèrent l'abbaye et Bossuet y fit entendre trois de ses admirables oraisons funèbres. Louis XIV fit élever un splendide tombeau à Turenne dans l'église qui vit tant de couronnements et d'illustres visites.

Le 18 février 1790, un décret de l'Assemblée Nationale supprima les ordres monastiques et le 12 septembre 1792, les Bénédictins chantèrent leur dernier office. Ce fut alors que Barrère proposa de détruire tous les monuments de l'église qui étaient selon lui « d'effrayants souvenirs des ci-devant rois ».

Les 6,7 et 8 août 1793 furent des jours de sinistre mémoire. 51 sépultures royales ainsi que 47 gisants furent détruits puis ce furent les effroyables profanations des tombes alors que les fabuleuses richesses de l'ancien trésor de Saint-Denis accumulés depuis Dagobert jusqu'à Louis XVI furent anéantis par le vandalisme perpétré sous les ordres des Jacobins. Ces jours-là, il y eut parmi les émeutiers des collectionneurs d'un genre particulier qui emportèrent des souvenirs macabres, notamment des cheveux, des ossements ou même des ongles des défunts royaux et du grand Turenne.

L'Abbatiale devint le Temple de la raison puis elle fut fermée et vouée à l'abandon. Trois mois après son couronnement, Napoléon 1er, qui avait compris l'importance de Saint-Denis et voulait assurer une légitimité à sa dynastie avec l'intention de s'y faire ensevelir, décida de restaurer l'édifice. Toutefois, les travaux se firent en dépit du bon sens. A la Restauration, Louis XVIII fit transférer en grande pompe les corps de son frère Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette qui, après avoir été guillotinés, avaient été enterrés au cimetière de la Madeleine. Ils furent installés dans le « Caveau Royal » rétabli dans la crypte d'Hilduin.

Depuis la dernière guerre, d'importantes restaurations ont été effectuées tandis que des fouilles ont permis de nombreuses découvertes, dont un sarcophage triple dans l'axe des chœurs de toutes les églises successives, qui selon toute vraisemblance ne peut être que celui de Saint Denis et de ses deux disciples.

La crypte d'Hilduin a été complètement réaménagée en 1975 et les cercueils des rois et des reines dont les corps n'avaient pas été profanés y ont été réunis tels ceux de Louise de Lorraine, épouse d'Henri III, et Louis VII ainsi que celui de Louis XVIII placé à côté des dépouilles de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Une place vide attend Charles X, dernier roi de France dont le corps repose en Slovénie.

A.D

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