Le centre Pompidou à Paris organise la première rétrospective consacrée en France au peintre allemand Max Beckmann, un artiste solitaire et plutôt énigmatique. Né à Leipzig dans une famille de paysans en 1884, Beckmann décida de devenir peintre dès l'âge de 16 ans. Malgré l'opposition de ses parents, il s'inscrivit à l'école des Beaux-Arts de Weimar puis lors d'un voyage à Paris découvrit les œuvres de Cézanne, pour qui il éprouva une admiration sans bornes.
Installé à Berlin en 1904, il réalisa alors son tableau intitulé «Jeunes hommes au bord de la mer» en hommage aux baigneuses de Cézanne. Exposant à la Sécession de Berlin en 1906, il rencontra le critique Julius Mier-Graefe qui le soutint sa vie durant alorsqu'il se fit enfin connaître en 1913 lors d'une rétrospective de son œuvre organisée par le marchand Paul Cassirer à Berlin.
Engagé volontaire en 1914, il produisit des scènes de combats sous forme de dessins et de gravures mais, marqué par les péripéties atroces de celles-ci, il fut victime finalement d'une dépression nerveuse.
En 1917, il se mit à peindre des scènes religieuses inspirées des primitifs allemands puis en 1924, il rencontra Mathilde von Kaulbach et divorça de son épouse Minna Tube pour épouser celle-ci l'année suivante.
En 1925, il participa à l'exposition du musée de Mannheim consacrée à la Nouvelle Objectivité puis revint visiter Paris en 1929. Trois ans plus tard, la Nationalgalerie de Berlin lui consacra une exposition particulière mais en 1937, il décida de fuir le nazisme et s'installa à Amsterdam. Beckmann partit vivre aux Etats-Unis en 1947 et mourut en 1950 à New York.
En France, on connaît plutôt mal Beckmann qui s'était comparé à un somnambule traversant une période plutôt noire de l'histoire. Peintre des splendeurs et des horreurs de la première moitié du XXe siècle, il fut l'un des rares à faire montre d'une extraordinaire introspection à travers nombre d'autoportraits.
Proche des Expressionnistes, il ne le fut pas vraiment parce qu'il ne chercha pas à adhérer à un quelconque groupe. A vouloir tenter de le définir, on le présenterait en fait comme une sorte d'anarchiste d'autant plus qu'il refusa les innovations radicales en marquant sa fidélité pour une certaine tradition.
Certes, ce fils de paysans exprima dans ses toiles un sentiment de crise et de malaise face à l'émergence d'une nouvelle société marquée par une industrialisation à outrance.
Beckmann fut un révolté sinon un messager mais pas dans le sens voulu par les Expressionnistes. Sa révolte fut avant tout personnelle, notamment contre la mort, pour simplement montrer le mal et défendre la vie.
La vie, il s'exprima dans ses vues de villes tout en la mêlant à l'enfer et en s'intéressant aux individus qui les sillonnent. Il montra alors le souci puissant de s'interroger sur la condition de l'homme sans sacrifier au mysticisme. Mais Beckmann se contenta surtout de montrer et surtout pas de démontrer tout en souffrant.
Beckmann fut donc avant tout un témoin lucide et souvent neutre en composant une œuvre forte mais aussi dérangeante qui ne laisse pas de nous interpeller.
« Qui sommes-nous ? »,« Où allons-nous ? », tel fut le propre credo de ce peintre resté solitaire durant pratiquement toute sa vie.
A.D