Les événements de mai 1968 ont provoqué de nombreux bouleversements au niveau de la vie sociale et professionnelle en France mais dans le domaine de l'art les changements ont semblé anodins. Les artistes n'avaient en effet pas attendu l'explosion du printemps de 1968 pour provoquer leur propre révolution. Déjà, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'art abstrait avait pris sa place et induit de nouvelles recherches. Dix ans plus tard, les artistes de la Réalité Nouvelle, César, Arman, de la Villeglé, Raymond Hains, Yves Klein, Niki de Saint-Phalle, Daniel Spoerri ou Mimo Rotella avaient jeté les bases d'un art nouveau où l'objet ainsi que de nouvelles formes prenaient une place prépondérante. Ceux-là avaient donc anticipé les changements une décennie avant cette fameuse révolution. César avec ses compressions, Arman avec ses objets récupérés, Spoerri avec ses ustensiles collés à même la toile, Yves Klein avec ses tableaux monochromes, Niki de Saint-Phalle avec ses compositions d'objets puis ses «nanas», Tinguely avec ses sculptures animées, Raymond Hains et la Villeglé avec leurs affiches lacérées avaient surpris le public par leurs happenings et leur audace. Ils n'avaient ainsi pas attendu 1968 pour sortir des sentiers battus du conformisme et mettre l'art sur les rails d'une nouvelle voie. Cela posé, la question est de savoir ce que mai 1968 a apporté à l'art. Les trois mois qui virent la France sens dessus dessous - ce que de Gaulle appelait «la chienlit» - permirent toutefois à des artistes de s'exprimer et à bousculer certaines théories. L'Ecole des Beaux-Arts fut occupée et ses étudiants remirent en question l'enseignement reçu. Par ailleurs, les affiches de mai 1968 furent salutaires pour la création et permirent l'éclosion de nouveaux talents. C'est au niveau du dessin social et notamment à travers la bande dessinée que les mentalités ont changé à partir de 1968. Pour ce qui est de l'art, le développement des écoles déjà formées comme le Pop Art et Support-Surface s'est poursuivi en phase d'accélération dans les années 1970 tandis que sont apparus la figuration libre et les graffiti, arts des années 1980 avec Basquiat ou Combas comme chefs de file. A la fin des années 1980, la spéculation sur le marché de l'art a eu quelques effets pervers sur la création avec des conséquences peut-être plus profondes que celles des événements de mai 1968 concernant la mentalité des artistes. Le printemps de 1968 a certainement permis la liberté dans la création mais son impact a été quasiment nul quant à savoir s'il a conduit à une révolution dans l'art. Il a même à certains égards provoqué un éclatement et une perte des repères. En outre, les Etats-Unis qui étaient en guerre ouverte contre l'art moderne européen depuis la fin de la guerre, ont établi leurs propres critères qui ont eu pour résultat d'isoler encore plus les artistes du vieux continent. Aujourd'hui, il y a les artistes américains et les autres mais avec l'argent - roi outre-Atlantique le fossé s'est creusé. Là-bas, les Rauschenberg, Lichtenstein, Jasper Johns ou de Kooning se vendent à coups de millions de dollars alors qu'en Europe rares sont les artistes contemporains qui peuvent prétendre atteindre le million de francs pour une œuvre. L'Amérique n'a pas seulement cherché à dominer le monde de l'art. Elle a aussi de plus en plus imposé son mode de vie à l'Europe où les habitants ont fini par modifier leurs comportements. La disparition de Picasso au début des années 1970 a marqué une étape et a résulté dans la cassure d'un important chaînon. Ainsi, il n'y a plus de géant ou de génie qui fasse référence. Il y a des artistes qui se singularisent mais n'apportent pas de réponses sur le devenir de l'art au XXIe siècle.
Aujourd'hui, c'est plus par le biais du progrès social et technologique et moins à travers la tradition que l'art vise à se développer. César, Arman, Klein et consorts avaient déjà ouvert la brèche. Depuis quelques années, les installations vidéo et maintenant les créations par ordinateur tendent à chercher à s'imposer sans que les artistes aient pu trouver un terrain d'accord commun pour jeter les nouvelles bases de l'art de demain.
L'ombre de Picasso plane sur la création et semble paralyser les créateurs en mal de définir des théories solides. Il reste le travail et la recherche mais alors que la science ne cesse d'aller de l'avant l'art paraît faire du surplace comme si les courants actuels se neutralisaient.
Les différentes chapelles nées depuis 50 ans ont établi une sorte de modus-vivendi qui permet à chaque artiste de s'exprimer comme il l'entend sans chercher l'union avec d'autres pour former de nouvelles écoles.
L'an 2000 sera donc crucial en tant que passage symbolique pour trouver enfin les nouvelles «locomotives» de l'art qui permettront un nouvel élan. On parle du Romantisme, de l' Impressionnisme, du Fauvisme, de l'Expressionnisme, du Cubisme, de l'Abstraction, de la Nouvelle Abstraction, de l'art minimaliste et d'autres courants qui sont comme les testaments artistiques des XIXe et XXe siècles. Il est maintenant urgent de concevoir enfin une nouvelle expression qui sera à l'image de la culture de demain qui est encore à la recherche de pères géniteurs. Adrian Darmon
Les événements de mai 1968 ont provoqué de nombreux bouleversements au niveau de la vie sociale et professionnelle en France mais dans le domaine de l'art les changements ont semblé anodins. Les artistes n'avaient en effet pas attendu l'explosion du printemps de 1968 pour provoquer leur propre révolution. Déjà, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'art abstrait avait pris sa place et induit de nouvelles recherches. Dix ans plus tard, les artistes de la Réalité Nouvelle, César, Arman, de la Villeglé, Raymond Hains, Yves Klein, Niki de Saint-Phalle, Daniel Spoerri ou Mimo Rotella avaient jeté les bases d'un art nouveau où l'objet ainsi que de nouvelles formes prenaient une place prépondérante. Ceux-là avaient donc anticipé les changements une décennie avant cette fameuse révolution. César avec ses compressions, Arman avec ses objets récupérés, Spoerri avec ses ustensiles collés à même la toile, Yves Klein avec ses tableaux monochromes, Niki de Saint-Phalle avec ses compositions d'objets puis ses «nanas», Tinguely avec ses sculptures animées, Raymond Hains et la Villeglé avec leurs affiches lacérées avaient surpris le public par leurs happenings et leur audace. Ils n'avaient ainsi pas attendu 1968 pour sortir des sentiers battus du conformisme et mettre l'art sur les rails d'une nouvelle voie. Cela posé, la question est de savoir ce que mai 1968 a apporté à l'art. Les trois mois qui virent la France sens dessus dessous - ce que de Gaulle appelait «la chienlit» - permirent toutefois à des artistes de s'exprimer et à bousculer certaines théories. L'Ecole des Beaux-Arts fut occupée et ses étudiants remirent en question l'enseignement reçu. Par ailleurs, les affiches de mai 1968 furent salutaires pour la création et permirent l'éclosion de nouveaux talents. C'est au niveau du dessin social et notamment à travers la bande dessinée que les mentalités ont changé à partir de 1968. Pour ce qui est de l'art, le développement des écoles déjà formées comme le Pop Art et Support-Surface s'est poursuivi en phase d'accélération dans les années 1970 tandis que sont apparus la figuration libre et les graffiti, arts des années 1980 avec Basquiat ou Combas comme chefs de file. A la fin des années 1980, la spéculation sur le marché de l'art a eu quelques effets pervers sur la création avec des conséquences peut-être plus profondes que celles des événements de mai 1968 concernant la mentalité des artistes. Le printemps de 1968 a certainement permis la liberté dans la création mais son impact a été quasiment nul quant à savoir s'il a conduit à une révolution dans l'art. Il a même à certains égards provoqué un éclatement et une perte des repères. En outre, les Etats-Unis qui étaient en guerre ouverte contre l'art moderne européen depuis la fin de la guerre, ont établi leurs propres critères qui ont eu pour résultat d'isoler encore plus les artistes du vieux continent. Aujourd'hui, il y a les artistes américains et les autres mais avec l'argent - roi outre-Atlantique le fossé s'est creusé. Là-bas, les Rauschenberg, Lichtenstein, Jasper Johns ou de Kooning se vendent à coups de millions de dollars alors qu'en Europe rares sont les artistes contemporains qui peuvent prétendre atteindre le million de francs pour une œuvre. L'Amérique n'a pas seulement cherché à dominer le monde de l'art. Elle a aussi de plus en plus imposé son mode de vie à l'Europe où les habitants ont fini par modifier leurs comportements. La disparition de Picasso au début des années 1970 a marqué une étape et a résulté dans la cassure d'un important chaînon. Ainsi, il n'y a plus de géant ou de génie qui fasse référence. Il y a des artistes qui se singularisent mais n'apportent pas de réponses sur le devenir de l'art au XXIe siècle.
Aujourd'hui, c'est plus par le biais du progrès social et technologique et moins à travers la tradition que l'art vise à se développer. César, Arman, Klein et consorts avaient déjà ouvert la brèche. Depuis quelques années, les installations vidéo et maintenant les créations par ordinateur tendent à chercher à s'imposer sans que les artistes aient pu trouver un terrain d'accord commun pour jeter les nouvelles bases de l'art de demain.
L'ombre de Picasso plane sur la création et semble paralyser les créateurs en mal de définir des théories solides. Il reste le travail et la recherche mais alors que la science ne cesse d'aller de l'avant l'art paraît faire du surplace comme si les courants actuels se neutralisaient.
Les différentes chapelles nées depuis 50 ans ont établi une sorte de modus-vivendi qui permet à chaque artiste de s'exprimer comme il l'entend sans chercher l'union avec d'autres pour former de nouvelles écoles.
L'an 2000 sera donc crucial en tant que passage symbolique pour trouver enfin les nouvelles «locomotives» de l'art qui permettront un nouvel élan. On parle du Romantisme, de l' Impressionnisme, du Fauvisme, de l'Expressionnisme, du Cubisme, de l'Abstraction, de la Nouvelle Abstraction, de l'art minimaliste et d'autres courants qui sont comme les testaments artistiques des XIXe et XXe siècles. Il est maintenant urgent de concevoir enfin une nouvelle expression qui sera à l'image de la culture de demain qui est encore à la recherche de pères géniteurs. Adrian Darmon