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LE MUSEE POMPIDOU EN PASSE DE RESTITUER UN BRAQUE DE 400 MILLIONS DE FRANCS
01 Avril 1998


Cet article se compose de 2 pages.
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Braque assista à cette vente qui se déroula dans un climat houleux et au cours de laquelle il flanqua un coup de poing à
l'expert Léonce Rosenberg qui avait été chargé de la superviser. «Le Joueur de Guitare» fut ainsi vendu 2800 francs (15 000 francs actuels) à un certain «Grassat», en fait un nom d'emprunt utilisé par Kahnweiler, son frère Gustav et le marchand berlinois Flechtheim qui purent ainsi récupérer certaines oeuvres.
Kahnweiler garda ainsi le tableau jusqu'en 1924 et le revendit 6900 francs de l'époque (36 000 francs d'aujourd'hui) à Alphonse Kann qui ne s'en sépara pas jusqu'en 1940 contrairement à certains arguments avancés par les responsables du musée Pompidou.
On ne sait pas ce qu'il advint vraiment du tableau entre 1940 et 1948 année où il fut exposé à Fribourg, en Allemagne, prêté par son nouveau propriétaire, André Lefèvre, un galeriste qui avait fait la connaissance de Kahnweiler durant les années 1920.
Durant la guerre, La belle-sœur de ce dernier, Louise Leiris, qui était de confession catholique, et Lefèvre s'activèrent pour sauver une partie de sa collection. Lefèvre mourut en 1964 et ce qu'il possédait fut vendu aux enchères l'année suivante à Paris.
«Le Joueur de Guitare» fut ainsi acheté par Heinz Berggruen, un marchand américain d'origine allemande installé à Paris depuis 1946 , qui accepta de le prêter au musée d'Art Moderne en 1976. Cinq ans plus tard, l'Etat français se portait acquéreur de l'œuvre pour 9 millions francs pour le compte du musée Pompidou.
Le fait que personne ne trouva rien à redire sur cet achat s'explique notamment par le silence des responsables des musées de France au sujet de l'existence des oeuvres saisies par les nazis durant la guerre, récupérées ensuite par les alliés et mises en dépôt dans divers endroits dans l'attente de leur restitution. Autant dire que ceux-ci laissèrent dormir le butin et ceci jusqu'au jour où la presse se mit à évoquer ce dossier avec insistance.
Francis Warin affirme que «Le Joueur de Guitare» a été saisi avec le reste de la collection Kann dès novembre 1940 par les hommes de l'Einsatzsab Reichleiters Rosenberg (ERR), le commando spécial chargé de piller les collections de familles juives et éventuellement celles de musées français pour le compte du musée que Hitler voulait installer à Linz en Autriche, ou pour celui du maréchal Herman Goering qui rêvait de se constituer à moindres frais la plus belle collection d'art du monde.
Les nazis firent preuve de beaucoup d'ordre en dressant avec un soin méticuleux les listes des oeuvres saisies aux familles juives fortunées. Ces listes ont été retrouvées et ont notamment permis à Francis Warin de connaître la destination de certaines oeuvres. Ainsi, «Le Joueur de Guitare» était destiné au maréchal Goering qui avait probablement l'intention de l'utiliser comme monnaie d'échange pour un échange avec des tableaux anciens dont il était très féru.
Les nazis avaient qualifié la plupart des artistes modernes de «dégénérés» et avaient même commencé à détruire des oeuvres mais leurs dignitaires comprirent vite que certaines peintures cubistes ou surréalistes pouvaient être avantageusement négociées auprès de quelques marchands français qui pouvaient en retour leur fournir des oeuvres des XVIIe et XVIIIe siècles.

Plusieurs échanges de ce genre eurent lieu à partir de 1941 avec des marchands français et allemands opérant à Paris. L'un d'eux, Gustav Rochlitz, donna à l'ERR une adoration des mages du Maître de Francfort contre sept oeuvres modernes dont «Le Joueur de Guitare » de Braque qu'il revendit au marchand parisien Pétridès qui fut interrogé par des enquêteurs alliés après la guerre sans trop être inquiété. On présume qu'il revendit le tableau à Lefèvre qui aurait dû en connaître sa provenance.
Seulement voilà, les responsables du musée Pompidou ont déclaré à Francis Warin que l'œuvre en question avait été achetée par Lefèvre à Marcel Fleishmann, un marchand de Zurich, entre 1937 et 1940.

«Le Joueur de Guitare» appartenant à Fleishmann était bien dans le catalogue de l'exposition des Surindépendants de 1937 à Paris que Artcult a pu obtenir et transmettre à Francis Warin. Mais après vérification, il s'est avéré que ce tableau était une autre version exécutée par Braque et que le tableau exposé au musée Pompidou était en fait celui de la collection Kann...
Comme toutes les transactions douteuses effectuées durant la guerre sont considérées nulles et non avenues en droit français, «Le Joueur de Guitare» doit donc être rendu aux héritiers d'Alphonse Kann. Ceux-ci ont déjà récupéré un important paysage d'Albert Gleizes de 1911 qui était exposé au musée Pompidou et sont sur le point de rentrer en possession d'un Picabia et d'un Picasso des années 1920.
«Il nous reste à retrouver une cinquantaine d'oeuvres de la collection Kann disséminée en France et à l'étranger mais le Braque est une pièce maîtresse à laquelle nous ne pouvons renoncer», a précisé Francis Warin à Artcult.
Ce tableau de Braque vaut au bas mot entre 300 et 450 millions de francs. En attendant, une décision finale sera prise par les responsables du musée en juillet prochain. Adrian Darmon
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