Monsieur le Président, Sachant votre attachement et votre grande connaissance de la culture japonaise, je me permets de vous soumettre mon sentiment sur le musée Guimet au sujet de sa réouverture.
Collectionneurs et amoureux de la première heure d'Art Japonais, je ne suis pas sans savoir que Guimet, Cernuschi, et d'Ennery offrirent bâtiments et collections à l'État ou à la ville de Paris. Trois musées d'art asiatique à Paris, et aucun endroit parisien où il ne soit possible de voir des antiquités japonaises dans leur ensemble. C'est-à-dire : bois, ivoire, laque, métal, estampe, soierie et porcelaine. Puisque Guimet ne les expose pas. Erreurs d'étiquetage et relégation de pièces majeures laissent planer une sensation de négligence et d'inculture.
De tout ce qui fait l'Art Japonais dans sa spécificité et son exception nous ne verrons donc pas de bronzes, de meuble (tansu), d'art floral (Ikebana),cérémonie du thé (à part quelques chawan), de sagemono (objets pendus à la ceinture) : yatate, tonkotsu, kiseru et kiseruzutsu, d'inro complets (avec un ojime et un netsuké!!) de netsuké, d'ivoires, d'éléments de sabre, mis à part 32 tsubas (84 tsubas triés par Hayashi furent offerts au Louvres en 1894 accompagnés d'un livre ) dont les descriptifs sont inexistants et quelques lames (toutes indifféremment étiquetées comme Katana quelque soit leur longueur), d'armure, de selle ou d'étriers de toutes choses relatives aux Samouraïs, d'éventails, de soieries...et la liste n'est pas exhaustive. Et on remarquera même à l'occasion, incrédule, l'absence d'artistes majeurs de l'Ukiyo-e comme Utamaro et Sharaku, pour ne citer que ces deux là.
L'amateur et le collectionneur pourraient se contenter d'un haussement d'épaule, comme le font les grands antiquaires parisiens quand on aborde ce sujet, même si les prix records des salles de ventes auraient dû interpeller les conservateurs. Il faudra donc se consoler en relisant les ouvrages du British ou du Victoria and Albert Museum. Repartir au Metropolitan, à la Freer Gallery , à Venise ou ailleurs pour admirer des chefs d'oeuvre...
Avec mes très respectueuses salutations.
Alexandre Darmon
Journaliste à La Croix