Depuis le 11 septembre 2001, date d'une attaque terroriste sans précédent contre les Etats-Unis, l'économie mondiale a marqué le pas et la crise qui a suivi a affecté en retour le marché de l'art dont la santé n'a tenu qu'à travers des ventes de pièces exceptionnelles. Depuis seize mois, la situation s'est progressivement dégradée surtout depuis l'instant où le différend entre les Etats-Unis et l'Irak s'est amorcé en freinant au passage les marchés boursiers et en gelant le développement économique mondial.
Les premiers signaux d'une récession sont apparus en septembre et celle-ci s'est amplifiée jusqu'au déclenchement de la guerre contre l'Irak par la coalition américano-britannique.
Injustifiée ou non, cette guerre a eu pour effet de doper les marchés boursiers mais il est encore trop tôt pour dire si une reprise économique durable suivra dans la foulée.
Le marché de l'art est pour sa part confronté à deux problèmes qui ne sont pas liés. D'un côté, la crise économique a gravement affecté les chiffres d'affaires des salles de ventes et des marchands. De l'autre, la raréfaction de la marchandise de qualité se fait de plus en plus sentir dans des ventes dont les catalogues sont désormais plutôt minces.
Il est patent que le recul de l'activité a gravement affecté les trésoreries de nombreux professionnels comme on l'a constaté lors de la foire des antiquaires de Maastricht où les exposants se sont montrés très flexibles sur les prix car autrement, leurs ventes auraient été quasiment nulles du fait de l'absence des grands acheteurs américains.
La situation actuelle est bien plus sérieuse qu'au lendemain de la Guerre du Golfe en 1991 lorsque la vague de spéculation sur le marché de l'art avait connu un coup d'arrêt et que les transactions avaient été ralenties.
Il avait fallu attendre au moins cinq ans pour voir le marché de l'art reprendre quelques couleurs sans pourtant qu'il atteigne son niveau de 1990. Tout semblait néanmoins aller pour le mieux jusqu'à ce jour funeste du 11 septembre 2001 qui a déstabilisé l'ensemble de la planète et amené les Américains, qui sont les plus gros clients de ce marché, à rester chez eux pour la plupart. En 16 mois donc, le volume des affaires des marchands a baissé considérablement pour atteindre une phase de profond marasme depuis novembre 2002. Certes, on enregistre encore quelques prix conséquents dans les ventes aux enchères mais ce phénomène est surtout dû à des achats de précaution pour l'avenir suite à l'effondrement des cours boursiers alors que la marchandise de qualité moyenne se vend mal.
Une reprise économique mondiale est conditionnée avant tout par la durée de la guerre et ses aboutissements sans oublier une solution du problème palestinien et la fin des actes terroristes dans le monde. A l'évidence, le conflit avec l'Irak ne sera pas terminé avant la troisième semaine du mois d'avril, ce qui laissera encore les marchés boursiers dans l'incertitude alors que les autres problèmes en suspens prendront du temps pour être réglés.
La prise de Bagdad signifiera à coup sûr un bond de 5% de plus au CAC 40 en une seule séance mais dans l'autre sens, tout signe de résistance de la part de l'armée irakienne ou d'une ébullition dans le Proche-Orient impliquera une baisse comme l'a démontré le jeu de yo-yo de la Bourse depuis le 11 septembre 2001.
Faisant abstraction du bien-fondé ou non de l'intervention américano-britannique en Irak, cette analyse de la situation permet de souligner la fragilité du système économique mondial basé avant tout sur la stabilité de l'ordre établi car toute faille dans le système imposé par les Américains entraîne des perturbations dans les échanges et par ricochet de sérieux reculs sur les marchés financiers et boursiers.
Les professionnels du marché de l'art savent très bien que tout désordre au plan économique mondial est néfaste pour la conduite de leurs affaires et qu'ils ne peuvent que courber le dos dans l'attente de jours meilleurs. Toutefois, si la crise qu'ils subissent est appelée à durer longtemps, les dégâts dans leurs rangs seraient considérables.
A titre d'exemple, plus de 300 marchands sur les deux mille que compte le marché aux Puces de Saint-Ouen se sont retrouvés dans l'incapacité de faire face à leurs charges et faute de reprise, le plus grand centre d'antiquités au monde se retrouve désormais sinistré.
L'activité du marché de l'art reste faible et ne se manifeste vraiment qu'au niveau des salles de ventes lorsqu'elles proposent des pièces exceptionnelles qui représentent des valeurs refuges mais dans l'ensemble, le climat de morosité est tel que personne ne sortira indemne d'une situation jugée catastrophique par tous ses acteurs.
Adrian Darmon