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Braque assista à cette vente qui se déroula dans un climat houleux et au cours de laquelle il flanqua un coup de poing à l'expert Léonce Rosenberg qui avait été chargé de la superviser. «Le Joueur de Guitare» fut ainsi vendu 2800 francs (15 000 francs actuels) à un certain «Grassat», en fait un nom d'emprunt utilisé par Kahnweiler, son frère Gustav et le marchand berlinois Flechtheim qui purent ainsi récupérer certaines oeuvres. Kahnweiler garda ainsi le tableau jusqu'en 1924 et le revendit 6900 francs de l'époque (36 000 francs d'aujourd'hui) à Alphonse Kann qui ne s'en sépara pas jusqu'en 1940 contrairement à certains arguments avancés par les responsables du musée Pompidou. On ne sait pas ce qu'il advint vraiment du tableau entre 1940 et 1948 année où il fut exposé à Fribourg, en Allemagne, prêté par son nouveau propriétaire, André Lefèvre, un galeriste qui avait fait la connaissance de Kahnweiler durant les années 1920. Durant la guerre, La belle-sœur de ce dernier, Louise Leiris, qui était de confession catholique, et Lefèvre s'activèrent pour sauver une partie de sa collection. Lefèvre mourut en 1964 et ce qu'il possédait fut vendu aux enchères l'année suivante à Paris. «Le Joueur de Guitare» fut ainsi acheté par Heinz Berggruen, un marchand américain d'origine allemande installé à Paris depuis 1946 , qui accepta de le prêter au musée d'Art Moderne en 1976. Cinq ans plus tard, l'Etat français se portait acquéreur de l'œuvre pour 9 millions francs pour le compte du musée Pompidou. Le fait que personne ne trouva rien à redire sur cet achat s'explique notamment par le silence des responsables des musées de France au sujet de l'existence des oeuvres saisies par les nazis durant la guerre, récupérées ensuite par les alliés et mises en dépôt dans divers endroits dans l'attente de leur restitution. Autant dire que ceux-ci laissèrent dormir le butin et ceci jusqu'au jour où la presse se mit à évoquer ce dossier avec insistance. Francis Warin affirme que «Le Joueur de Guitare» a été saisi avec le reste de la collection Kann dès novembre 1940 par les hommes de l'Einsatzsab Reichleiters Rosenberg (ERR), le commando spécial chargé de piller les collections de familles juives et éventuellement celles de musées français pour le compte du musée que Hitler voulait installer à Linz en Autriche, ou pour celui du maréchal Herman Goering qui rêvait de se constituer à moindres frais la plus belle collection d'art du monde. Les nazis firent preuve de beaucoup d'ordre en dressant avec un soin méticuleux les listes des oeuvres saisies aux familles juives fortunées. Ces listes ont été retrouvées et ont notamment permis à Francis Warin de connaître la destination de certaines oeuvres. Ainsi, «Le Joueur de Guitare» était destiné au maréchal Goering qui avait probablement l'intention de l'utiliser comme monnaie d'échange pour un échange avec des tableaux anciens dont il était très féru. Les nazis avaient qualifié la plupart des artistes modernes de «dégénérés» et avaient même commencé à détruire des oeuvres mais leurs dignitaires comprirent vite que certaines peintures cubistes ou surréalistes pouvaient être avantageusement négociées auprès de quelques marchands français qui pouvaient en retour leur fournir des oeuvres des XVIIe et XVIIIe siècles. Plusieurs échanges de ce genre eurent lieu à partir de 1941 avec des marchands français et allemands opérant à Paris. L'un d'eux, Gustav Rochlitz, donna à l'ERR une adoration des mages du Maître de Francfort contre sept oeuvres modernes dont «Le Joueur de Guitare » de Braque qu'il revendit au marchand parisien Pétridès qui fut interrogé par des enquêteurs alliés après la guerre sans trop être inquiété. On présume qu'il revendit le tableau à Lefèvre qui aurait dû en connaître sa provenance. Seulement voilà, les responsables du musée Pompidou ont déclaré à Francis Warin que l'œuvre en question avait été achetée par Lefèvre à Marcel Fleishmann, un marchand de Zurich, entre 1937 et 1940. «Le Joueur de Guitare» appartenant à Fleishmann était bien dans le catalogue de l'exposition des Surindépendants de 1937 à Paris que Artcult a pu obtenir et transmettre à Francis Warin. Mais après vérification, il s'est avéré que ce tableau était une autre version exécutée par Braque et que le tableau exposé au musée Pompidou était en fait celui de la collection Kann... Comme toutes les transactions douteuses effectuées durant la guerre sont considérées nulles et non avenues en droit français, «Le Joueur de Guitare» doit donc être rendu aux héritiers d'Alphonse Kann. Ceux-ci ont déjà récupéré un important paysage d'Albert Gleizes de 1911 qui était exposé au musée Pompidou et sont sur le point de rentrer en possession d'un Picabia et d'un Picasso des années 1920. «Il nous reste à retrouver une cinquantaine d'oeuvres de la collection Kann disséminée en France et à l'étranger mais le Braque est une pièce maîtresse à laquelle nous ne pouvons renoncer», a précisé Francis Warin à Artcult. Ce tableau de Braque vaut au bas mot entre 300 et 450 millions de francs. En attendant, une décision finale sera prise par les responsables du musée en juillet prochain. Adrian Darmon
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L'affaire des tableaux et objets d'art volés par les nazis à des familles juives durant la Deuxième Guerre Mondiale commence à faire des vagues depuis que la direction des Musées de France a publié une liste des oeuvres gardées en dépôt par ceux-ci et jamais réclamées par les héritiers des victimes de l'Holocauste. Il a fallu près d'un demi siècle pour qu'on apprenne que les musées français détenaient environ 1800 oeuvres récupérées en grande partie en Allemagne à la fin du conflit. La plupart de leurs propriétaires ayant péri dans des camps de concentration nazis, rares ont été les héritiers qui ont su comment procéder pour obtenir la restitution de ces biens. Jusqu'à présent, les musées ont restitué des oeuvres jugées mineures mais depuis trois ans ils ont affaire à des revendications lourdes de conséquences, notamment en ce qui concerne un tableau majeur de Georges Braque, «Le Joueur de Guitare » de 1914, actuellement exposé au musée Georges Pompidou. Le cas de ce tableau qui figurait dans la collection de Alphonse Kann, condisciple de Marcel Proust au lycée Condorcet, devenu plus tard un grand collectionneur d'oeuvres modernes, pose un terrible cas de conscience aux responsables des musées de France depuis que ses héritiers ont réclamé la restitution de ce chef d'œuvre. Né à Vienne en 1870, venu en France en 1880, Alphonse Kann avait commencé à collectionner des tableaux impressionnistes et du XIXe siècle, notamment par Monet, Cézanne, Renoir, Degas ou Van Gogh avant de s'intéresser à Matisse, Juan Gris, Klee, Braque, La Fresnaye, Picasso ou Léger. Il avait ainsi constitué une collection de plus de 800 tableaux et de plusieurs rares manuscrits enluminés du Moyen-Age avant l'invasion de la France par les troupes allemandes en mai 1940. A LA RECHERCHE D'UN FABULEUX TRESOR Face à la menace qui pesait sur sa personne, Alphonse Kann alla se réfugier à Londres. A la fin du conflit, il parvint à récupérer de nombreuses oeuvres qui avaient été confisquées par les nazis mais plusieurs dizaines manquaient à l'appel lorsqu'il mourut en 1948. Il y a 50 ans, l'heure était à la reconstruction de l'Europe et ce ne fut qu'au milieu des années 1990, avec la chute du Mur de Berlin, la révélation par les autorités russes qu'elles détenaient des oeuvres d'art prises à l'Allemagne nazie, l'instruction du procès Papon et le scandale des avoirs juifs détenus par des banques suisses que la France fut quelque peu obligée de faire la lumière sur les oeuvres d'art volées à des familles juives et restées en sommeil dans ses musées. Les héritiers Kann conduits par son neveu, le débonnaire Francis Warin, amateur d'art et réalisateur de télévision, ont mis tout en œuvre depuis trois ans pour récupérer les oeuvres manquantes de la célèbre collection. Ils ont déjà obtenu la restitution d'un important tableau d'Albert Gleizes des années 1910 ainsi que d'autres pièces mineures et se sont attelés à récupérer le chef d'œuvre de l'histoire du Cubisme que représente « le Joueur de Guitare » de Braque, une pièce monumentale travaillée à l'huile mélangée à de la sciure de bois représentant des lignes géométriques, un personnage et une guitare. Ce tableau fut acheté par le marchand Daniel - Henry Kahnweiler qui fut un des premiers à miser sur des artistes comme Picasso, Léger, Derain ou Braque. Mais lorsque la Première Guerre Mondiale éclata en 1914, du fait de la nationalité allemande de ce dernier, ses biens furent mis sous séquestre. Francophile, Kahnweiler se réfugia en Suisse durant le conflit pour éviter d'être incorporé dans l'armée du Kaiser mais ses sentiments pro-Français et de multiples interventions d'amis bienveillants n' empêchèrent pas leur vente sur décision administrative en juin 1921.
Braque assista à cette vente qui se déroula dans un climat houleux et au cours de laquelle il flanqua un coup de poing à l'expert Léonce Rosenberg qui avait été chargé de la superviser. «Le Joueur de Guitare» fut ainsi vendu 2800 francs (15 000 francs actuels) à un certain «Grassat», en fait un nom d'emprunt utilisé par Kahnweiler, son frère Gustav et le marchand berlinois Flechtheim qui purent ainsi récupérer certaines oeuvres. Kahnweiler garda ainsi le tableau jusqu'en 1924 et le revendit 6900 francs de l'époque (36 000 francs d'aujourd'hui) à Alphonse Kann qui ne s'en sépara pas jusqu'en 1940 contrairement à certains arguments avancés par les responsables du musée Pompidou. On ne sait pas ce qu'il advint vraiment du tableau entre 1940 et 1948 année où il fut exposé à Fribourg, en Allemagne, prêté par son nouveau propriétaire, André Lefèvre, un galeriste qui avait fait la connaissance de Kahnweiler durant les années 1920. Durant la guerre, La belle-sœur de ce dernier, Louise Leiris, qui était de confession catholique, et Lefèvre s'activèrent pour sauver une partie de sa collection. Lefèvre mourut en 1964 et ce qu'il possédait fut vendu aux enchères l'année suivante à Paris. «Le Joueur de Guitare» fut ainsi acheté par Heinz Berggruen, un marchand américain d'origine allemande installé à Paris depuis 1946 , qui accepta de le prêter au musée d'Art Moderne en 1976. Cinq ans plus tard, l'Etat français se portait acquéreur de l'œuvre pour 9 millions francs pour le compte du musée Pompidou. Le fait que personne ne trouva rien à redire sur cet achat s'explique notamment par le silence des responsables des musées de France au sujet de l'existence des oeuvres saisies par les nazis durant la guerre, récupérées ensuite par les alliés et mises en dépôt dans divers endroits dans l'attente de leur restitution. Autant dire que ceux-ci laissèrent dormir le butin et ceci jusqu'au jour où la presse se mit à évoquer ce dossier avec insistance. Francis Warin affirme que «Le Joueur de Guitare» a été saisi avec le reste de la collection Kann dès novembre 1940 par les hommes de l'Einsatzsab Reichleiters Rosenberg (ERR), le commando spécial chargé de piller les collections de familles juives et éventuellement celles de musées français pour le compte du musée que Hitler voulait installer à Linz en Autriche, ou pour celui du maréchal Herman Goering qui rêvait de se constituer à moindres frais la plus belle collection d'art du monde. Les nazis firent preuve de beaucoup d'ordre en dressant avec un soin méticuleux les listes des oeuvres saisies aux familles juives fortunées. Ces listes ont été retrouvées et ont notamment permis à Francis Warin de connaître la destination de certaines oeuvres. Ainsi, «Le Joueur de Guitare» était destiné au maréchal Goering qui avait probablement l'intention de l'utiliser comme monnaie d'échange pour un échange avec des tableaux anciens dont il était très féru. Les nazis avaient qualifié la plupart des artistes modernes de «dégénérés» et avaient même commencé à détruire des oeuvres mais leurs dignitaires comprirent vite que certaines peintures cubistes ou surréalistes pouvaient être avantageusement négociées auprès de quelques marchands français qui pouvaient en retour leur fournir des oeuvres des XVIIe et XVIIIe siècles. Plusieurs échanges de ce genre eurent lieu à partir de 1941 avec des marchands français et allemands opérant à Paris. L'un d'eux, Gustav Rochlitz, donna à l'ERR une adoration des mages du Maître de Francfort contre sept oeuvres modernes dont «Le Joueur de Guitare » de Braque qu'il revendit au marchand parisien Pétridès qui fut interrogé par des enquêteurs alliés après la guerre sans trop être inquiété. On présume qu'il revendit le tableau à Lefèvre qui aurait dû en connaître sa provenance. Seulement voilà, les responsables du musée Pompidou ont déclaré à Francis Warin que l'œuvre en question avait été achetée par Lefèvre à Marcel Fleishmann, un marchand de Zurich, entre 1937 et 1940. «Le Joueur de Guitare» appartenant à Fleishmann était bien dans le catalogue de l'exposition des Surindépendants de 1937 à Paris que Artcult a pu obtenir et transmettre à Francis Warin. Mais après vérification, il s'est avéré que ce tableau était une autre version exécutée par Braque et que le tableau exposé au musée Pompidou était en fait celui de la collection Kann... Comme toutes les transactions douteuses effectuées durant la guerre sont considérées nulles et non avenues en droit français, «Le Joueur de Guitare» doit donc être rendu aux héritiers d'Alphonse Kann. Ceux-ci ont déjà récupéré un important paysage d'Albert Gleizes de 1911 qui était exposé au musée Pompidou et sont sur le point de rentrer en possession d'un Picabia et d'un Picasso des années 1920. «Il nous reste à retrouver une cinquantaine d'oeuvres de la collection Kann disséminée en France et à l'étranger mais le Braque est une pièce maîtresse à laquelle nous ne pouvons renoncer», a précisé Francis Warin à Artcult. Ce tableau de Braque vaut au bas mot entre 300 et 450 millions de francs. En attendant, une décision finale sera prise par les responsables du musée en juillet prochain. Adrian Darmon
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