La petite guerre que se livrent les grands antiquaires trouve maintenant de plus en plus à se nourrir dans les expositions précédant les grandes ventes.
C'est en effet l'occasion pour de nombreux marchands de débiner certains lots qui semblent généreusement attribués à des ébénistes célèbres, notamment comme pour ce guéridon d'époque Louis XVI présenté à la vente du 5 juillet organisée pour Sotheby's par l'étude Poulain- Le Fur qui aurait subi quelques restaurations "malhabiles" (placage neuf sur les plateaux) d'après certains professionnels.
Guerre, guéridon, l'association tombe à pic en la circonstance. Vendu pour 1,7 million FF, un prix plutôt bâtard pour une pièce attribuée à Weisweiler qui aurait dû atteindre près du double de cette enchère, le dernier passé en vente par l'intermédiaire de l'étude Tajan avait d' ailleurs atteint 3,8 millions FFen étant "poussé" par Maurice Segoura.
Des marchands présents à la vente que ce guéridon ont ironisé en sussurrant que ce guéridon paraissait plutôt "bancal" et qu'il valait mieux qu'il parte loin du marché parisien, aucun des grands acteurs du commerce de la capitale n'ayant voulu participer aux enchères. Fermons le ban.
En dehors du microcosme des salles de ventes, certains grands pontes du marché se donnent parfois des verges pour se faire fouetter, notamment Jacques Perrin et Maurice Segoura, co-organisateurs de la Biennale de Monaco pompeusement intitulée «l'Elite des antiquaires». Voilà de quoi susciter les jalousies de nombreux confrères qui n'hésitent pas à jeter de l'huile sur le feu en déclarant que « l'élite » ne manque pas d'air en organisant sans comité d'expertise son petit salon auquel une trentaine de professionnels sont conviés.
Voilà aussi une manière de pratiquer un certain ostracisme qui a pour effet de nourrir encore plus fortement cette guerre entre marchands qui s'est quelque peu emballée avec cette crise qu'ils affrontent depuis des mois. Mais il ne faut cependant pas s'étonner puisque le marché de l'art n'est pas différent des autres secteurs économiques où les sociétés commerciales et industrielles se livrent à des batailles sans merci.
Le nerf de la guerre, quoiqu'on dise, c'est l'argent et les acteurs du marché de l'art n'ont plus vraiment le profil de ceux d'il y a 50 ans qui évoluaient dans un univers où la civilité était de mise.
Les nouveaux millionnaires ne sont plus des gens issus de la haute société qui auparavant étaient considérés comme des collectionneurs avertis et qui avaient des manières de gentlemen. On n'est plus dans la sphère des Gulbenkian, Akkram Ojjeh, Rothschild et autres grands noms de la finance ou de l'aristocratie. On est aujourd'hui dans celle des Bill Gates, Bernard Tapie, Silvio Berlusconi, des vedettes de la nouvelle économie, du show business, des grands groupes comme LVMH, Pinault-La Redoute, Virgin et autres dont certains de ces acteurs ont eu recours à des moyens peu nobles pour réussir.
Durant les années 1930, le manuscrit du XVe siècle de Piccolomini vendu 14 millions FF à Drouot il y a quelques jours aurait été acheté par un Wildenstein, un Rothschild ou un Alphonse Kann. Il a été acquis cette fois par Berlusconi, homme d'affaires parfois en butte avec la justice de son pays dont il est paradoxalement devenu le Président du Conseil. Notons qu'une telle ascension aurait été inconcevable il y a encore une dizaine d'années et que le paysage politique a depuis incroyablement changé en Europe. Il y a peu, rares étaient les hommes politiques français à être mis en examen pour des combines financières ou autres.
Aujourd'hui, on en dénombre un contingent, ce qui ne veut pas dire pour autant que les magouilles ou les commissions occultes n'étaient pas auparavant monnaie courante et que ce constat résulte en fait d'une volonté radicale d'assainissement au sein de l'Establishment.
L'ELITE S'EXPOSE
La petite guerre que se livrent les grands antiquaires trouve maintenant de plus en plus à se nourrir dans les expositions précédant les grandes ventes.
C'est en effet l'occasion pour de nombreux marchands de débiner certains lots qui semblent généreusement attribués à des ébénistes célèbres, notamment comme pour ce guéridon d'époque Louis XVI présenté à la vente du 5 juillet organisée pour Sotheby's par l'étude Poulain- Le Fur qui aurait subi quelques restaurations "malhabiles" (placage neuf sur les plateaux) d'après certains professionnels.
Guerre, guéridon, l'association tombe à pic en la circonstance. Vendu pour 1,7 million FF, un prix plutôt bâtard pour une pièce attribuée à Weisweiler qui aurait dû atteindre près du double de cette enchère, le dernier passé en vente par l'intermédiaire de l'étude Tajan avait d' ailleurs atteint 3,8 millions FFen étant "poussé" par Maurice Segoura.
Des marchands présents à la vente que ce guéridon ont ironisé en sussurrant que ce guéridon paraissait plutôt "bancal" et qu'il valait mieux qu'il parte loin du marché parisien, aucun des grands acteurs du commerce de la capitale n'ayant voulu participer aux enchères. Fermons le ban.
En dehors du microcosme des salles de ventes, certains grands pontes du marché se donnent parfois des verges pour se faire fouetter, notamment Jacques Perrin et Maurice Segoura, co-organisateurs de la Biennale de Monaco pompeusement intitulée «l'Elite des antiquaires». Voilà de quoi susciter les jalousies de nombreux confrères qui n'hésitent pas à jeter de l'huile sur le feu en déclarant que « l'élite » ne manque pas d'air en organisant sans comité d'expertise son petit salon auquel une trentaine de professionnels sont conviés.
Voilà aussi une manière de pratiquer un certain ostracisme qui a pour effet de nourrir encore plus fortement cette guerre entre marchands qui s'est quelque peu emballée avec cette crise qu'ils affrontent depuis des mois. Mais il ne faut cependant pas s'étonner puisque le marché de l'art n'est pas différent des autres secteurs économiques où les sociétés commerciales et industrielles se livrent à des batailles sans merci.
Le nerf de la guerre, quoiqu'on dise, c'est l'argent et les acteurs du marché de l'art n'ont plus vraiment le profil de ceux d'il y a 50 ans qui évoluaient dans un univers où la civilité était de mise.
Les nouveaux millionnaires ne sont plus des gens issus de la haute société qui auparavant étaient considérés comme des collectionneurs avertis et qui avaient des manières de gentlemen. On n'est plus dans la sphère des Gulbenkian, Akkram Ojjeh, Rothschild et autres grands noms de la finance ou de l'aristocratie. On est aujourd'hui dans celle des Bill Gates, Bernard Tapie, Silvio Berlusconi, des vedettes de la nouvelle économie, du show business, des grands groupes comme LVMH, Pinault-La Redoute, Virgin et autres dont certains de ces acteurs ont eu recours à des moyens peu nobles pour réussir.
Durant les années 1930, le manuscrit du XVe siècle de Piccolomini vendu 14 millions FF à Drouot il y a quelques jours aurait été acheté par un Wildenstein, un Rothschild ou un Alphonse Kann. Il a été acquis cette fois par Berlusconi, homme d'affaires parfois en butte avec la justice de son pays dont il est paradoxalement devenu le Président du Conseil. Notons qu'une telle ascension aurait été inconcevable il y a encore une dizaine d'années et que le paysage politique a depuis incroyablement changé en Europe. Il y a peu, rares étaient les hommes politiques français à être mis en examen pour des combines financières ou autres.
Aujourd'hui, on en dénombre un contingent, ce qui ne veut pas dire pour autant que les magouilles ou les commissions occultes n'étaient pas auparavant monnaie courante et que ce constat résulte en fait d'une volonté radicale d'assainissement au sein de l'Establishment.
Le petit monde feutré des grands collectionneurs a pour sa part éclaté pour laisser la place à divers groupes qui se différencient par l'origine de leurs fortunes. Certes, il en reste encore quelques-uns uns qui ont conservé les bonnes manières d'antan mais leurs rivaux, plus rodés au système économique actuel, et plus malins aussi lorsqu'il s'agit de traiter des affaires, leur dament sans cesse le pion grâce à leur réussite et aux millions qu'ils engrangent sans cesse.
Les marchands ont ainsi changé de discours, néanmoins en insistant toujours sur la qualité exceptionnelle d'une pièce, mais en ayant moins de scrupules à parler de gros sous avec leurs clients. Cela signifie aussi que pour être un grand antiquaire, il faut non seulement avoir des connaissances et un beau carnet d'adresses mais aussi de sommes substantielles pour acquérir des meubles et des objets rares et que le credo de la passion qui préside à un achat pour un collectionneur va de pair avec l'argent.
Le monde des grands antiquaires n'est donc pas différent de celui de la politique, animé par des rivalités, des luttes pour conquérir la première place et les coups bas qui les accompagnent.
Jacques Perrin et Maurice Segoura savent très bien qu'en jouant les premiers rôles et en voulant en imposer à leurs rivaux, ils ne se font forcément pas des amis et que de nombreux confrères sont déterminés à contester leur suprématie.
La guerre permanente à laquelle est confrontée le gratin de la profession ne connaîtra semble-t-il jamais de trêve surtout que les défis qui s'offrent à la profession sont de plus en plus ardus du fait de la raréfaction de la marchandise de grande qualité et des surenchères au niveau des prix.
Le « Club » des grands antiquaires n'existe finalement que dans l'imagination du public mais dans les hautes sphères tout le monde se déteste cordialement tout en nouant des alliances au gré des circonstances. Prétendre représenter « l'élite », c'est déjà chatouiller la susceptibilité des autres grands professionnels, notamment les Kraemer qui pensent de leur côté avoir leur mot à dire dans cette histoire. C'est aussi irriter certains marchands qui estiment subir une injustice en constatant que la porte du club leur reste fermée et qui ne supportent pas de voir des comités d'expertise créés sous la férule des grands leur refuser de présenter des pièces à la Biennale ou dans d'autres grands salons.