Le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris présente jusqu'au 7 mai 2006 une exposition rétrospective consacrée à Pierre Bonnard (1867-1947), considéré comme le peintre du bonheur. D'abord lié aux Nabis, Pierre Bonnard pratiqua un art intimiste et coloré en ayant trouvé un style très personnel et feutré qui fit de lui un des plus grands peintres du XXe siècle après avoir été cependant raillé par Picasso.
Bonnard fut d'abord un homme discret et plutôt solitaire qui se mit souvent en scène avec Marthe, sa compagne comme dans "L'homme et la Femme", une toile peinte en 1900 dans laquelle il se montra en tenue d'Adam auprès de cette dernière également nue en captant un instant de repos après l'étreinte sur un lit.
Il capta des instants en mêlant bonheur et mélancolie tout en se portraiturant à maintes reprises, sans concession aucune comme pour marquer son désarroi face au temps qui passe et ce, dans une solitude consentie avec le désir de se donner tout entier à son art sans toutefois tourner le dos à l'insouciance. Des Nabis, il garda l'audace des couleurs et la verve des formes pour explorer son propre monde en ayant aussi une prédilection pour la représentation d'extérieurs.
Entre les murs de son appartement, il se plut à peindre Marthe déshabillée ou nue dans sa salle de bains ou encore en train de prendre son petit-déjeuner, des toiles qui semblent exhaler une atmosphère de silence et de bien-être ponctuée par le tic-tac virtuel d'une pendule trônant sur la cheminée du salon. Chez Bonnard, on ressent le temps qui passe, on hume l'atmosphère que nimbe la lumière du jour qui s'infiltre dans la chambre ou le salon, on se sent prêt à partager un bon repas et à l'écouter évoquer son enfance et parler des joies simples.
Ce sont 98 toiles, presque toutes des chefs d'oeuvre, que les visiteurs sont amenés à découvrir et à déchiffrer parce que Bonnard se plaisait à les composer à travers une multitude de petits croquis qui lui servirent à accentuer ses recherches et à affiner les détails. En fait, le peintre sembla être un maniaque des petits riens qui donnaient finalement de la consistance à ses tableaux.
A les contempler, le spectateur entre dans son intimité comme un voyeur qui se fait tout petit, désolé de son intrusion, comme devant cette toile montrant Marthe allongée nue immobile, perdue dans ses rêves dans l'eau bienfaisante de sa baignoire.
Bonnard fit tout simplement vibrer la vie avec un pinceau voluptueux dans ses toiles pour ne se concentrer que sur celle de son couple dans son nid douillet en sachant cependant que rien ne pouvait arrêter la pendule du temps malgré toute sa volonté de céder souvent le pas à la rêverie. Heureusement, grâce à sa peinture, le temps s'est plus d'une fois arrêté pour notre plus grand plaisir.
A.D