Tout comme les vols, les faux sont la hantise des amateurs. Dans les deux cas, il leur faut se protéger ou se prémunir. Mais s'il est possible de sécuriser au mieux un appartement ou une maison pour réduire les risques d'un cambriolage, il est plus difficile, même pour un amateur très averti, d'échapper au piège du faux.
Il naît d'ailleurs un gogo par minute à travers le monde, cela veut dire que l'entreprise illicite du plagiat n'est pas près d'être éradiquée surtout que les amateurs ont la fâcheuse tendance à se nourrir du rêve de mettre la main sur l'objet rare en l'achetant au prix le plus bas. Le désir de faire un gros coup entraîne ainsi tout mordu à baisser sa garde lorsqu'il tombe sur ce qui lui semble être un trésor, ce qui fait que le jeu excitant de la découverte s'accompagne souvent de désillusions.
La découverte est une chose, l'authentification d'une trouvaille en est une autre bien plus compliquée d'autant plus qu'elle aboutit le plus souvent à un verdict négatif ou mitigé. Constatant qu'un modèle de statuette de Jean de Bologne réalisé à Florence vers 1600 venait d'être adjugée récemment au prix incroyable de 1,2 million € à Drouot, un amateur qui avait chiné un exemplaire similaire il y a 20 ans a contacté l'expert de la vente avec l'idée qu'elle aussi atteindrait un prix conséquent. Seulement voilà, l'expert lui a expliqué que sa statuette avait été produite 50 ans plus tard par l'atelier des Gobelins et qu'à son avis, elle ne dépasserait pas 50 000 €. Pourtant, il n'avait estimé qu'à 30 000 € le modèle vendu à un prix mirifique après avoir constaté que le numéro d'inventaire figurant sur celui-ci et censé déterminer comme provenance la collection du cardinal de Richelieu avait été gravé sous la patine, ce qui pouvait laisser croire qu'il était apocryphe. Or, si ce numéro était sous la patine, cela signifiait aussi que le bronze avait été plus tard muni d'une nouvelle patine, ce qui théoriquement devait lui ôter de la valeur. Tout ça pour dire que même si elle est d'époque, une sculpture recherchée ne vaut pas nécessairement le même prix qu'une autre à priori similaire sans compter que la provenance peut en outre jouer un rôle déterminant dans une adjudication.
Le vrai ne correspond donc pas à une réalité absolue et peut même se transformer en faux, surtout lorsqu'un expert affirme que la pièce qu'on lui soumet est un plagiat alors qu'elle est en fait authentique. Le faux lui même se décline à toutes les sauces puisqu'il peut être manifeste, trompeur, déroutant, indétectable de prime abord et subtil ou devenir authentique par la grâce d'un certificat accordé par un spécialiste aveugle ou piégé par sa perfection.
On sait d'autre part que les artistes ont toujours copié les maîtres pour se former mais on oublie trop souvent qu'ils les ont plagié inconsciemment – ce qu'ils ont toujours rechigné à admettre- en définissant leur propre style.
Au début des années 1950, le critique d'art Clement Greenberg, qui fut l'un des plus influents théoriciens de l'art du XXe siècle, avait porté aux nues plusieurs artistes, notamment ceux du mouvement expressionniste-abstrait ou Kenneth Noland au point que l'avenir de l'art paraissait dépendre de ses analyses.
Il se permit ainsi de faire l'apologie de Noland dont les œuvres pareilles à des cibles de tir à l'arc imitaient en fait celle de Robert Delaunay réalisée en 1910. Greenberg affirma également que Barnett Newman ne devait rien à Mondrian alors que ce dernier l'avait en réalité fortement influencé.
Dans on livre « Comment je suis devenu un marchand de tableaux » (Ed. L'Echoppe), Sami Tarica cite le psychanalyste Daniel Sibony lequel dans son analyse du complexe du second-premier a expliqué que « ce type d'emprunts massifs, très présent dans l'histoire… consiste, pour celui qui vient en second, à non pas reconnaître sa dette envers le premier et à dire son projet de faire mieux ou de faire autre chose, mais à faire tout son possible pour être le premier alors qu'il ne l'est pas. Et ce viol de la simple chronologie l'amène à faire beaucoup de folies ». Tout ça pour signaler que les lignes verticales de Newman étaient déjà fortement ancrées dans les esprits et n'étaient en rien novatrices.
Greenberg qualifia en outre Fautrier de peintre abstrait alors que celui-ci se défendait véhémentement de l'être. Fautrier resta d'ailleurs longtemps ignoré des galeristes et des amateurs au point qu'au lendemain d'une exposition ratée en 1955 il fut amené à écrire à Jean Paulhan : "Vous m'avez toujours dit que les très grands peintres ne vendent jamais rien au début. Eh bien, soyez satisfait : dans cette exposition, rien n'a été vendu ! "…
Ce fut grâce à Tarica, habile marchand de tapis reconverti en galeriste, que Fautrier commença enfin à trouver des acheteurs pour ses œuvres. Un jour, le marchand lui montra une douzaine de tableaux de Poliakoff dont il était fier et se vit répondre par Fautrier que de tous les post-cubistes, celui-ci était probablement le meilleur, ce qui voulait dire en fait qu'il y avait une sacrée différence entre « post » et « authentique ».
Un autre jour, Tarica accompagna un client américain chez Fautrier qui lui demanda 1 000 francs pour un tableau. L'Américain le trouvant trop cher, Fautrier sortit alors d'un placard six autres tableaux identiques et lui déclara : « Ceux-ci ne valent que dix francs pièce ». Etonné, le visiteur essaya de comprendre et Fautrier lui répondit d'un air narquois : « Parce que ceux-ci ont été faits par ma femme de ménage ».
Il s'agissait en fait des célèbres « Originaux multiples » mais, déboussolé, le client américain s'en alla sans rien acheter.
A New York, les œuvres de Ben Shahn, Tworkov, Guston, Motherwell, Kline, Rothko ou Newman que Tarica vit semblèrent à ce dernier peu appréciables en raison de l'inexistence de rupture plastique avec les peintures qui les précédaient de peu. « J'étais stupéfait de l'importance qu'avait si vite prise cette abstraction attardée », remarqua-t-il.
Il fallait donc un discours persuasif et une « appellation » appropriée pour faire admettre ce qui à ses yeux semblaient n'être que l'exubérance des créations qui avaient nourri les trente premières années du XXe siècle. Visiblement, les expressionnistes-abstraits avaient d'après lui œuvré pendant une période creuse en profitant de l'influence de Kandinsky, Malévitch et Mondrian tandis que leur art surmédiatisé lui avait fait penser aux statues du grand empire romain, subitement dédaignées à partir du moment où elles étaient comparées à celles « archaïques » du petit royaume grec.
Devant ces œuvres produites par les expressionnistes-abstraits, Fautrier lui-même se demanda comment un artiste pouvait préserver l'intégrité de son « moi » dans une période où les valeurs étaient sacrifiées à la mode. Apparemment, le succès de l'expressionnisme-abstrait était en train de se bâtir alors sur une imposture surtout que les œuvres de Fautrier exposées à New York furent ignorées et dénigrées. Ce fut presque du pareil au même à Paris où le Musée d'Art Moderne refusa le don d'un tableau de ce peintre au prétexte qu'il ne s'agissait pas de peinture, ce qui amena Tarica à penser qu'avoir trop tôt raison ne servait à rien.
En 1959, Fautrier fut invité à la Biennale de Venise au grand dam de Gildo Caputo, alors président du syndicat français des marchands de tableaux, qui voulait présenter Manessier mais à qui les membres de ce syndicat préfèrent Hartung. Au final, Fautrier partagea avec celui-ci le Grand Prix grâce à Tarica qui déjoua une conjuration de marchands contre lui en convaincant le juré polonais disposé à voter pour l'artiste d'origine allemande que le jury était composé de capitalistes unis contre un artiste qui n'avait pas de galeriste pour le représenter.
Concernant Yves Klein, Tarica essaya un jour de lui faire obtenir un prêt de la part du millionnaire Gunter Sachs. Ce dernier accepta mais au cours d'un déjeuner, il lui raconta l'histoire des « Zones de sensibilité picturale immatérielle » se rapportant à la notion du rien. Ce fut alors que Sachs se rétracta en déclarant : « Quoi, vous voulez me faire acheter rien … Je ne marche plus ». Comme quoi le rien dans l'art n'est pas rien...
Tout comme les vols, les faux sont la hantise des amateurs. Dans les deux cas, il leur faut se protéger ou se prémunir. Mais s'il est possible de sécuriser au mieux un appartement ou une maison pour réduire les risques d'un cambriolage, il est plus difficile, même pour un amateur très averti, d'échapper au piège du faux.
Il naît d'ailleurs un gogo par minute à travers le monde, cela veut dire que l'entreprise illicite du plagiat n'est pas près d'être éradiquée surtout que les amateurs ont la fâcheuse tendance à se nourrir du rêve de mettre la main sur l'objet rare en l'achetant au prix le plus bas. Le désir de faire un gros coup entraîne ainsi tout mordu à baisser sa garde lorsqu'il tombe sur ce qui lui semble être un trésor, ce qui fait que le jeu excitant de la découverte s'accompagne souvent de désillusions.
La découverte est une chose, l'authentification d'une trouvaille en est une autre bien plus compliquée d'autant plus qu'elle aboutit le plus souvent à un verdict négatif ou mitigé. Constatant qu'un modèle de statuette de Jean de Bologne réalisé à Florence vers 1600 venait d'être adjugée récemment au prix incroyable de 1,2 million € à Drouot, un amateur qui avait chiné un exemplaire similaire il y a 20 ans a contacté l'expert de la vente avec l'idée qu'elle aussi atteindrait un prix conséquent. Seulement voilà, l'expert lui a expliqué que sa statuette avait été produite 50 ans plus tard par l'atelier des Gobelins et qu'à son avis, elle ne dépasserait pas 50 000 €. Pourtant, il n'avait estimé qu'à 30 000 € le modèle vendu à un prix mirifique après avoir constaté que le numéro d'inventaire figurant sur celui-ci et censé déterminer comme provenance la collection du cardinal de Richelieu avait été gravé sous la patine, ce qui pouvait laisser croire qu'il était apocryphe. Or, si ce numéro était sous la patine, cela signifiait aussi que le bronze avait été plus tard muni d'une nouvelle patine, ce qui théoriquement devait lui ôter de la valeur. Tout ça pour dire que même si elle est d'époque, une sculpture recherchée ne vaut pas nécessairement le même prix qu'une autre à priori similaire sans compter que la provenance peut en outre jouer un rôle déterminant dans une adjudication.
Le vrai ne correspond donc pas à une réalité absolue et peut même se transformer en faux, surtout lorsqu'un expert affirme que la pièce qu'on lui soumet est un plagiat alors qu'elle est en fait authentique. Le faux lui même se décline à toutes les sauces puisqu'il peut être manifeste, trompeur, déroutant, indétectable de prime abord et subtil ou devenir authentique par la grâce d'un certificat accordé par un spécialiste aveugle ou piégé par sa perfection.
On sait d'autre part que les artistes ont toujours copié les maîtres pour se former mais on oublie trop souvent qu'ils les ont plagié inconsciemment – ce qu'ils ont toujours rechigné à admettre- en définissant leur propre style.
Au début des années 1950, le critique d'art Clement Greenberg, qui fut l'un des plus influents théoriciens de l'art du XXe siècle, avait porté aux nues plusieurs artistes, notamment ceux du mouvement expressionniste-abstrait ou Kenneth Noland au point que l'avenir de l'art paraissait dépendre de ses analyses.
Il se permit ainsi de faire l'apologie de Noland dont les œuvres pareilles à des cibles de tir à l'arc imitaient en fait celle de Robert Delaunay réalisée en 1910. Greenberg affirma également que Barnett Newman ne devait rien à Mondrian alors que ce dernier l'avait en réalité fortement influencé.
Dans on livre « Comment je suis devenu un marchand de tableaux » (Ed. L'Echoppe), Sami Tarica cite le psychanalyste Daniel Sibony lequel dans son analyse du complexe du second-premier a expliqué que « ce type d'emprunts massifs, très présent dans l'histoire… consiste, pour celui qui vient en second, à non pas reconnaître sa dette envers le premier et à dire son projet de faire mieux ou de faire autre chose, mais à faire tout son possible pour être le premier alors qu'il ne l'est pas. Et ce viol de la simple chronologie l'amène à faire beaucoup de folies ». Tout ça pour signaler que les lignes verticales de Newman étaient déjà fortement ancrées dans les esprits et n'étaient en rien novatrices.
Greenberg qualifia en outre Fautrier de peintre abstrait alors que celui-ci se défendait véhémentement de l'être. Fautrier resta d'ailleurs longtemps ignoré des galeristes et des amateurs au point qu'au lendemain d'une exposition ratée en 1955 il fut amené à écrire à Jean Paulhan : "Vous m'avez toujours dit que les très grands peintres ne vendent jamais rien au début. Eh bien, soyez satisfait : dans cette exposition, rien n'a été vendu ! "…
Ce fut grâce à Tarica, habile marchand de tapis reconverti en galeriste, que Fautrier commença enfin à trouver des acheteurs pour ses œuvres. Un jour, le marchand lui montra une douzaine de tableaux de Poliakoff dont il était fier et se vit répondre par Fautrier que de tous les post-cubistes, celui-ci était probablement le meilleur, ce qui voulait dire en fait qu'il y avait une sacrée différence entre « post » et « authentique ».
Un autre jour, Tarica accompagna un client américain chez Fautrier qui lui demanda 1 000 francs pour un tableau. L'Américain le trouvant trop cher, Fautrier sortit alors d'un placard six autres tableaux identiques et lui déclara : « Ceux-ci ne valent que dix francs pièce ». Etonné, le visiteur essaya de comprendre et Fautrier lui répondit d'un air narquois : « Parce que ceux-ci ont été faits par ma femme de ménage ».
Il s'agissait en fait des célèbres « Originaux multiples » mais, déboussolé, le client américain s'en alla sans rien acheter.
A New York, les œuvres de Ben Shahn, Tworkov, Guston, Motherwell, Kline, Rothko ou Newman que Tarica vit semblèrent à ce dernier peu appréciables en raison de l'inexistence de rupture plastique avec les peintures qui les précédaient de peu. « J'étais stupéfait de l'importance qu'avait si vite prise cette abstraction attardée », remarqua-t-il.
Il fallait donc un discours persuasif et une « appellation » appropriée pour faire admettre ce qui à ses yeux semblaient n'être que l'exubérance des créations qui avaient nourri les trente premières années du XXe siècle. Visiblement, les expressionnistes-abstraits avaient d'après lui œuvré pendant une période creuse en profitant de l'influence de Kandinsky, Malévitch et Mondrian tandis que leur art surmédiatisé lui avait fait penser aux statues du grand empire romain, subitement dédaignées à partir du moment où elles étaient comparées à celles « archaïques » du petit royaume grec.
Devant ces œuvres produites par les expressionnistes-abstraits, Fautrier lui-même se demanda comment un artiste pouvait préserver l'intégrité de son « moi » dans une période où les valeurs étaient sacrifiées à la mode. Apparemment, le succès de l'expressionnisme-abstrait était en train de se bâtir alors sur une imposture surtout que les œuvres de Fautrier exposées à New York furent ignorées et dénigrées. Ce fut presque du pareil au même à Paris où le Musée d'Art Moderne refusa le don d'un tableau de ce peintre au prétexte qu'il ne s'agissait pas de peinture, ce qui amena Tarica à penser qu'avoir trop tôt raison ne servait à rien.
En 1959, Fautrier fut invité à la Biennale de Venise au grand dam de Gildo Caputo, alors président du syndicat français des marchands de tableaux, qui voulait présenter Manessier mais à qui les membres de ce syndicat préfèrent Hartung. Au final, Fautrier partagea avec celui-ci le Grand Prix grâce à Tarica qui déjoua une conjuration de marchands contre lui en convaincant le juré polonais disposé à voter pour l'artiste d'origine allemande que le jury était composé de capitalistes unis contre un artiste qui n'avait pas de galeriste pour le représenter.
Concernant Yves Klein, Tarica essaya un jour de lui faire obtenir un prêt de la part du millionnaire Gunter Sachs. Ce dernier accepta mais au cours d'un déjeuner, il lui raconta l'histoire des « Zones de sensibilité picturale immatérielle » se rapportant à la notion du rien. Ce fut alors que Sachs se rétracta en déclarant : « Quoi, vous voulez me faire acheter rien … Je ne marche plus ». Comme quoi le rien dans l'art n'est pas rien...
En attendant, hormis Fautrier, Klein et quelques autres, la plupart des peintres modernes et contemporains ont inconsciemment plagié des maîtres, à commencer par Picasso qui s'inspira de plusieurs artistes pour développer son œuvre. On peut ainsi dire qu'il fut le plus grand adaptateur de l'histoire de la peinture sans avoir rien inventé, pas même le Cubisme dont la paternité revenait en grande partie à Braque alors que Cézanne fut à l'origine de ses fondements. Cela n'a cependant rien enlevé au génie de Picasso, considéré de loin comme le plus grand artiste du XXe siècle.
Quoiqu'il en soit, nombre de peintres devenus célèbres ont « pompé » d'autres artistes, tant au niveau du style qu'à celui des idées, avec le mérite d'attirer vers eux les grands collectionneurs. Encensé en 1959, Manessier n'a pas eu la gloire de Poliakoff ou de De Staël simplement parce que ces deux artistes ont été plus médiatisés sur le marché.
On connaît le succès d'un Bernard Buffet mais on ignore que plusieurs peintres produisirent des œuvres similaires aux siennes au milieu des années 1940. Aujourd'hui, ceux-ci ont été oubliés.
A la fin des années 1950, de nombreux galeristes se gaussaient de Fautrier ou de Klein qui ont pris plus tard une revanche éclatante sur les peintres qu'ils représentaient et que Fautrier traitait avec ironie de « post-cubistes » alors qu'il se voulait le représentant d'une peinture authentique.
Cela posé, un emprunt en peinture n'est pas vraiment de la copie ou un plagiat, mais juste la manifestation souvent inconsciente d'une influence. Face au tableau d'un artiste on se surprend d'ailleurs souvent à remarquer des ressemblances avec le style d'un autre. Il suffit de visiter un musée, de se placer à dix mètre d'une peinture et d'essayer de deviner qui en est l'auteur. A cette distance, on peut faire la confusion entre Bourdon et Poussin, entre Watteau et Lancret, entre Jongkind et Boudin, entre Gauguin et Sérusier, entre Cross et Signac et j'en passe. Watteau eùprunta beaucoup à Gilot avant d'inspirer Lancret ou Pater, Claude Gelée donna certainement des idées à Constable dût vraisemblablement séduire Corot lequel attira l'œil de Boudin qui à son tour impressionna Monet. Picasso ne fut pas en reste en passant de l'académisme à une peinture marquée par des débuts difficiles avant de devenir un pape du Cubisme et de décliner son art sous presque tous les angles tout en s'inspirant de Julio Gonzales pour créer d'étonnantes sculptures.
L'art ne progresse qu'à travers des emprunts qui figurent ainsi parmi les jalons essentiels de son développement. En période de rupture, les artistes se transforment un peu plus en plagiaires, les plus connus profitant alors de l'appui de marchands dotés d'un grand sens du marketing. On peut donc les soupçonner d'être quelque part des imposteurs (telle était l'opinion de Fautrier au sujet des expressionnistes-abstraits) sauf que le succès leur a servi d'écran. Le marché rend ainsi gloire à ses favoris sans que ses intervenants se soucient des facteurs qui leur ont permis de parvenir au devant de la scène. Cela peut paraître injuste mais la chance et l'opportunisme jouent un rôle considérable dans le succès d'un artiste.
Traiter Serge Poliakoff de plagiaire semble pour le moins grossier mais il n'en demeure pas moins que celui-ci, tout comme d'autres peintres aussi connus, laissa son subconscient butiner d'autres influences.
Peut-on parler de plagiat lorsque des peintres adhèrent à une tendance, comme ce fut le cas du Fauvisme héritier du Divisionnisme initié par Seurat qui à la suite de Derain et de Vlaminck attira des artistes comme Braque, Matisse, Manguin, Friesz, Van Dongen, Jean Puy et d'autres ? Pareil constat peut être fait au sujet du Cubisme, mis au goût du jour par Braque et Picasso et auquel adhérèrent plusieurs artistes comme Juan Gris, Hayden ou Marcoussis ou encore de l'abstraction qui en a dérivé.
Les principes édictés par les chefs de file de nombreux mouvements (Cubisme, Suprématisme, Constructivisme, Futurisme, Surréalisme, Abstraction ou Musicalisme entre autres) ont imposé des règles qui elles-mêmes ont engendré des emprunts et forcément des plagiats involontaires mais nécessaires pour les respecter. On reste là encore bien à l'écart des plagiats intentionnels et encore loin de la création de faux mais il n'en demeure pas moins que les limites de la tromperie ont souvent été frôlées lorsque les peintres ont employé des styles et des formules similaires. Quant aux faussaires, ceux-ci n'ont eu aucun mal à verser crûment et directement dans la falsification en essayant de reproduire avec des variantes ce que les maîtres avaient produits. Ceux-là ne sont rien moins que les terroristes de l'art, ne serait-ce déjà parce que le faux s'avère être la terreur de tout expert.