Le Musée d'Orsay organise jusqu'au 5 septembre 2004 une rétrospective consacrée au peintre hollandaisJohan Barthold Jongkind (1819-1891) qui fut un des précurseurs de l'Impressionnisme au même titre qu'Eugène Boudin. L'artiste hollandais fit l'essentiel de sa carrière en France dont il fut amoureux de ses ciels, de ses paysages et surtout de ses ports en travaillant à l'écart de toute école à partir de 1860.
Ce sont 40 tableaux et 40 dessins et aquarelles témoins de sa carrière débutée en France en 1846 que les visiteurs du musée pourront admirer.
En France, Jongkind fut d'abord l'élève d'Eugène Isabey après avoir été celui d'Andreas Schelfhout en Hollande. Il découvrit vite les charmes de la Normandie ainsi que ceux de Paris, de la Seine et de ses ponts et très vite aussi, il s'intéressa aux variations de lumière du ciel et de la diversité des nuages créant des effets dignes d'être comparés à ceux de Turner ou de Corot.
Aussi bien que Boudin, il mit en exergue la beauté de la ville de Honfleur et surtout de son port à travers des huiles et des aquarelles saisissantes de beauté.
Partageant sa vie entre la France et la Hollande jusqu'au début des années 1860, Jongkind obtint une médaille au Salon de 1852 et se fit une clientèle pour ses clairs de lune, ses patineurs et ses vues de Paris.
Toutefois, Jongkind côtoya la misère sa vie durant et ne parvint qu'à de rares périodes à connaître une sérénité qui lui aurait certainement permis de devenir définitivement célèbre.
En 1860, pour le sauver de la misère, ses amis Corot, Isabey, Rousseau et Bonvin organisèrent une vente aux enchères à son profit alors qu'il s'était enfui en Hollande pour oublier ses déboires.
Ce fut pourtant à cette même époque que Jongkind, libéré des influences de Schelfhout et d'Isabey, produisit ses premiers chefs d'œuvre. Mais trop fragile mentalement, il s'adonna trop souvent à la boisson et ne fut pas à l'abri de crises de dépression et d'une certaine inconstance dans son oeuvre.
Bénéficiant de l'amitié de Madame Fesser, qui fut son élève et le protégea souvent des excès, Jongkind rencontra Claude Monet et Boudin durant son séjour à Honfleur entre 1862 et 1865 puis il voyagea à travers la France, dans la Nièvre, le Midi et en Isère où il se fixa à partir de 1880 sans cesser de visiter Paris ou la Hollande.
Au contraire de Boudin ou de Monet, Jongkind n'eut pas le bonheur de connaître le succès de son vivant. On le considéra simplement comme un petit maître jusqu'au jour où Manet et Cézanne commencèrent à être encensés au moment de sa disparition. Dès lors, on le compara aux grands maîtres hollandais des paysages comme Ruysdael, Van Goyen ou Rembrandt.
Doté d'une incroyable mémoire visuelle, Jongkind pouvait restituer dans son atelier tous les effets et les couleurs des ciels de Normandie ou d'ailleurs, surtout à travers ses aquarelles bien plus spontanées et émouvantes que ses huiles pourtant parfois admirables et dignes des meilleurs œuvres de Corot ou de Boudin.
Jusqu'à sa mort, Jongkind se révéla être un grand maître de l'aquarelle, un art au service de la nature qu'il dompta de bout en bout avec une science époustouflante du rendu et du coloris.
A.D