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Les peintres fauves ne jouèrent avec les couleurs pures que durant à peine une décennie pour ensuite ne produire hélas que du dégriffé (AD)

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Gauguin au Grand Palais
01 Octobre 2003



Cet article se compose de 2 pages.
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Tant qu'il fut plongé dans ses rêves, Gauguin parvint à peindre avec un pinceau sauvage à souhait des œuvres irréelles et sublimes mais face à la réalité, il se rendit vite compte que la civilisation qu'il avait fuie était en train de le rattraper et pire, de pervertir les indigènes.

Ce fut alors comme un cauchemar pour le descendant des Incas décimés en masse par les Espagnols au XVIe siècle d'assister, impuissant, à l'anéantissement programmé de ce qu'il pensait être son havre de paix. Déjà, à son arrivée, la civilisation tahitienne n'existait plus qu'à travers les idoles et les objets sculptés qu'on trouvait encore à profusion dans les îles alors que la population subissait depuis près de vingt ans les influences de la colonisation.

Gauguin fut donc forcé de se contenter d'un mode de vie où le farniente tenait quand même une grande place, en adoptant le comportement insouciant des Tahitiens et en goûtant la nature sauvage des paysages, ce qui était déjà beaucoup, tout en devenant obnubilé par la présence des esprits, un facteur qui s'avéra primordial dans sa mutation et dans le développement de sa peinture.

Les esprits de Polynésie entretinrent ses rêves et ses délires et le conduisirent au pinacle de son art comme on peut le constater sans réserve dans son célèbre tableau intitulé « D'où venons-nous ? Où allons-nous » du Musée de Boston, une vaste fresque peinte durant son second séjour tahitien dans laquelle il mit tout ce qui lui restait de force et de passion. On peut imaginer qu'il s'agissait là de sa vision idyllique du paradis terrestre avec cet homme nu recouvert d'un pagne qui au centre cueille un fruit avec autour de lui des femmes nues ou habillées, des animaux, une idole bleutée perchée sur un rocher et à droite de la composition, clin d'œil étrange à l'Impressionnisme ou évocation nostalgique d'un style qu'il aurait voulu voir triompher, Gauguin nu entouré de trois femmes dévêtues dans des postures rappellant étrangement le déjeuner sur l'herbe de Manet.

Ce tableau, éclaboussant de puissance, d'exotisme et de spiritualité, fut l'interprétation d'un rêve inassouvi, la traduction d'un désir impossible à concrétiser qui laissa Gauguin exsangue et désemparé.

Le réveil fut certainement brutal car, se rendant compte que Tahiti n'était plus sa terre promise et après une tentative de suicide en décembre 1897, au moment où il était en train de peindre son chef d'œuvre, Gauguin décida alors de se réfugier aux Marquises, où la nature et les indigènes semblaient encore préservés des affres de la civilisation occidentales. Mais là-bas, fatigué, bouffé par l'alcool et la maladie, Gauguin ne trouva plus la force de peindre et se laissa dépérir dans sa « Maison du Jouir » si détestée des missionnaires avant d'être emporté par les esprits qu'il avait vénérés sur la toile et craints en permanence bien plus que les gendarmes français venus l'enquiquiner de temps à autre.

En fait, depuis une bonne décennie, Gauguin le tourmenté avait quitté le monde, celui où son langage demeurait incompréhensible aux autres, pour vivre obstinément à la manière d'un Tahitien n'ayant pas de soucis matériels. On peut douter qu'il fut en paix avec lui-même car, outre le fait que les indigènes étaient déjà confrontés à la modernité, sa quête d'un univers meilleur correspondait à un échec qui fit de lui, comme Van Gogh, un peintre maudit. On peut être certain qu'en rencontrant le succès à Paris, il ne serait probablement jamais parti vers des rivages aussi lointains alors que son rêve véritable était en fait d'être reconnu comme un grand artiste.

Toutefois, rien n'avait été comme il l'avait souhaité puisque son métier l'avait conduit d'abord à vivre comme un bourgeois avec femme et enfants et qu'il n'avait abordé la peinture qu'en amateur, ce qui, aux yeux d'autres artistes, et même ceux des peintres qui allaient révolutionner le monde de l'art, était un sérieux handicap. De fait, comme Guillaumin le fonctionnaire devenu riche grâce à la loterie, il fut tout juste toléré dans les milieux avant-gardistes de son époque et seuls quelques peintres de l'Ecole de Pont-Aven comme Emile Bernard, Paul Sérusier et quelques autres le considérèrent comme un maître à penser mais trop indépendant et caractériel, il ne sut pas s'imposer comme un chef de file incontournable.

A sa mort, ses biens furent vendus aux enchères à la grande joie des colons qui le détestaient et par chance, Victor Segalen, un jeune médecin de marine, sauva une grande partie du contenu artistique de sa maison en achetant sept toiles, de nombreux dessins et gravures ainsi que des panneaux sculptés qui échappèrent ainsi à la destruction pour atterrir finalement au Musée d'Orsay.

Cette exposition permet de mieux situer Gauguin dans l'histoire de la peinture et surtout de le placer sur le piédestal de la gloire qu'il recherchait tant. Elle invite ainsi à une lecture approfondie de ses œuvres et sert sans détour à mieux appréhender le génie d'un homme déchiré par ses doutes, habité par ses démons, transcendé par sa folie, nourri par ses rêves, brûlé par sa passion, écorché par la vie, dégoûté de la société, raciste par ricochet, finalement fragile, minable et solitaire. Mal dans sa peau et au comble du désespoir comme Van Gogh, son compagnon de galère tant haï car celui-ci lui renvoyait brutalement l'image de la déchéance, il imagina trouver dans la drogue, l'alcool et le sexe le moyen de s'évader tout en se sachant perdu.

A défaut d'avoir éprouvé de son vivant la joie extatique de la gloire, Gauguin sut au moins magnifier sa légende au-delà de la mort, comme Van Gogh avant lui ou Modigliani quelques années plus tard. Mais, à l'instant de son dernier souffle, on peut imaginer qu'il dut ressentir le goût amer d'un échec dur à avaler en se doutant probablement que sa gloire posthume ne profiterait en fait qu'aux descendants de ceux qui l'avaient auparavant maltraité et raillé à Paris, cette ville qu'il rêvait secrètement de conquérir. Toutefois, rien ne dit que le cours de son destin aurait changé si sa naissance avait eu lieu au début du XXe siècle parce qu'il lui aurait alors fallu posséder le caractère d'un Picasso ou d'un Dali pour avoir le droit d'être glorifié de son vivant.

Adrian Darmon


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