« L'Escamoteur », un tableau attribué à Jérôme Bosch volé en décembre 1978 au Manège royal de Saint-Germain-en-Laye par un commando d'Action Directe puis récupéré deux mois plus tard a retrouvé sa place d'origine en mars 2002 après une longue restauration. Un examen de la composition du panneau sur lequel a été peinte cette œuvre a montré qu'il provenait d'un arbre abattu en 1485, ce qui tend à démontrer qu'elle aurait été réalisée vers 1496 après l'assèchement nécessaire de son bois, c'est à dire durant la seconde période de la carrière de l'artiste.
La question reste posée quant à l'authenticité de ce tableau qui dérive à coup sûr d'un dessin de Bosch conservé au Louvre. La texture du tableau, lisse, ne correspond pas à la manière de peindre de l'artiste, ce qui indique qu'il serait plutôt de la main d'un élève, peut-être Gilis Panthedel qui avait collaboré plusieurs fois avec ce dernier ou simplement une copie d'après un original disparu.
Il n'en reste pas moins que ce tableau est une superbe représentation de la bêtise. Montrant un prestidigitateur faisant un tour devant des badauds dont l'un d'eux, ébaubi par le tour effectué devant lui, se fait voler sa bourse par un complice du charlatan, celui-ci est une magistrale parabole sur le vol, la naïveté et la tromperie.
Jérôme Bosch, dont les plus beaux tableaux, conservés au Musée du Prado à Madrid, furent acquis par Philippe II d'Espagne, demeure toujours un peintre mystérieux pour les historiens d'art.
Né à Bois-le-Duc vers 1450 ou 1460 et mort dans la même ville en 1516, Bosch était peut-être le fils d'un certain Antoine van Aeken. Actif à la fin des années 1480 en peignant des tableaux religieux, il fut toutefois plus connu comme le peintre de la morale en représentant la lutte constante de l'homme avec son double.
D'une imagination débordante, il représenta les vices et les travers humains à travers des monstres et des personnages fantastiques. Malheureusement, de nombreuses œuvres produites par cet artiste furent détruites et on n'en connaît aujourd'hui que 34 et 22 dessins qui lui sont attribués et qui montrent toute l'étendue de son extraordinaire talent.
Il commença à produire des œuvres débouchant sur une critique cruelle des mœurs humaines et la notion du péché à partir de 1480 puis réalisa ses grandes œuvres visionnaires entre 1485 et 1505 avant de peindre des tableaux plus sobres signifiant probablement que l'artiste était enfin en paix avec lui-même.
A coup sûr, Bosch annonça l'émergence de Pieter Brueghel et Patinir et l'avènement de la peinture flamande tout en étant le pionnier de la peinture surréaliste dénuée toutefois des impératifs modernes.
On ne s'étonnera cependant pas que plusieurs de ses œuvres aient été détruites car les autorités religieuses de son époque pouvaient à maints égards les considérer comme hérétiques et à présent, personne ne peut dire s'il fut un moralisateur ou un dénonciateur de la chasse aux sorcières organisée par l'Eglise à son époque.
Sa description de l'enfer et du paradis, ses représentations de monstres étranges et de scènes incroyables d'orgies sexuelles ont eu de quoi susciter bien des interrogations autant que le mystère entourant son existence. Qui fut-il vraiment ? On ne le saura jamais…
A.D