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L'ART CONTEMPORAIN EST-IL NUL ?



Une vive polémique oppose actuellement en France certains directeurs de musée et des philosophes de l'art au sujet de la modernité dans le domaine contemporain.

Le philosophe Jean Baudrillard a dénoncé dans le quotidien Libération la "nullité de l'art contemporain", jetant ainsi un pavé dans la mare. Le marché de l'art, déjà affecté par une longue crise, les difficultés rencontrées par les professionnels et la désaffection du public, n'avait vraiment pas besoin d'être en proie à des querelles opposant les tenants de l'abstraction et ceux de la figuration.

Il est vrai que depuis la disparition de Picasso, le domaine de l'art contemporain est resté orphelin du dernier de ses géants. Depuis plus de vingt ans, on cherche celui ou ceux qui apporteront une nouvelle révolution comparable à celle née du cubisme.
Jean Baudrillard a au moins le mérite de sous-entendre que la novation est des plus pauvres au niveau de l'art contemporain mais il a peut-être le tort de rejeter tout en bloc et de nier par là-même le travail de tant d'artistes qui, faute d'avoir le génie d'un Picasso, ont tout de même les moyens d'affirmer un talent certain.

A la démarche de Baudrillard vient s'ajouter celle de Jean Clair qui, à la Biennale de Venise en 1995, avait défendu le portrait comme genre dominant du XXe siècle, rejetant ainsi la progression de la peinture moderne et contemporaine partant de Cézanne jusqu'aux mouvements néo-conceptuels comme le signale le Journal le Monde dans sa livraison du 8 juin 1996.

Considérer le portrait comme genre dominant de ce siècle, ce serait aller droit dans une impasse comme le soulignent les détracteurs de Jean Clair lequel défend la richesse du véritable métier de peintre acquis au cours des siècles. Quoiqu'il en soit, les défenseurs de l'art abstrait rétorquent que le XXe siècle est nettement plus riche que les précédents puisqu'il a apporté la liberté et que si des métiers ont été abandonnés c'est avant tout parce qu'ils avaient cessé d'être pertinents. En attendant, cette querelle est plus franco-française qu'internationale si on songe qu'aux États-Unis, l'art se mesure avant tout à l'aune des ventes.
Toujours est-il que les valeurs esthétiques ont moins de force que naguère, que Warhol, pris comme point de repère par Baudrillard, n'est pas vraiment un artiste mais un faiseur d'art à travers le détournement d'objets ou de personnes ayant séduit les masses. Maintenant, l'art contemporain est-il vraiment nul ? Baudrillard se défend d'avoir cherché à pousser le bouchon aussi loin en ne voulant stigmatiser que le "collapse de la banalité dans l'art et l'art dans la banalité d'êtrecette ready-madisation" née de l'esprit de Duchamp et transposée dans la vie quotidienne. Baudrillard regrette ainsi que l'art soit tombé dans la valeur au moment où les valeurs sont remises en cause.
Baudrillard estime également que la grande illusion esthétique est devenue une désillusion qui tourne à vide, qu'on a fait de l'art quelque chose de prétentieux dans sa volonté de transcender le monde et qu'on a fini par avoir un excès d'art. Il oublie peut-être d'ajouter que le monde bouge de plus en plus vite et que le temps n'est pas perdu de la même manière à l'orée du XXIe siècle qu'à d'autres époques et que ce n'est qu'à l'avènement de la bourgeoisie et de la révolution industrielle au XIXe siècle qu'on a vu les bases du classicisme être enfin secouées avec la naissance de l'Impressionnisme puis celle du Cubisme.

On n'oubliera pas que ces naissances eurent lieu au milieu des tempêtes les plus vives soulevées par les critiques eux-mêmes. Picasso, quant à lui, assimila donc toutes les innovations à son profit exclusif en laissant des miettes aux autres.
A s'empiffrer de tout, il a fini par laisser un grand vide qui donne le vertige à tout ceux qui se demandent comment le combler.

A la manière d'un Charlemagne, il a laissé derrière lui un empire qui s'est vite démembré puisque l'art contemporain n'a plus de géant de sa force. On pourra toutefois constater que l'art tout court s'est dilué partout, que ce soit dans l'industrie, la publicité, le design, la mode, les transports ou même le sport.

En conclusion, ne serait-ce donc pas parce que tout est art aujourd'hui qu'on ne voit plus vraiment les véritables contours de l'art en tant que tel ? Adrian Darmon

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