Le marché de l'art a subi depuis près de deux ans le contrecoup de la crise économique mondiale laquelle s'est répercutée avec acuité sur les chiffres d'affaires des professionnels, aujourd'hui réduits à vivre surtout sur leurs stocks. Certes, il existe des domaines qui progressent, comme la peinture russe avec une explosion des prix depuis un peu plus de cinq ans mais on n'est pas sans savoir que les acheteurs ne sont autres que les nouveaux riches de Russie dont les fortunes sont souvent d'origine douteuse.
Seules les pièces exceptionnelles se vendent bien dans les salles de ventes mais c'est là une habitude, renforcée par le fait que les acquéreurs font des achats spéculatifs un peu plus que par plaisir. Il est vrai aussi que le grenier du marché de l'art s'épuise et que la rareté pousse les prix à la hausse.
Le salut ne semble plus dépendre des acheteurs américains, démotivés d'une part par les attentats du 11 septembre 2001 et moins acheteurs en raison de la mauvaise conjoncture économique. Par contre, il pourrait venir de la Chine dont la croissance devient phénomale depuis trois ans. Pas de tout de suite cependant, car les Chinois restent fidèles à leur art et c'est dans ce domaine qu'ils se manifestent de plus en plus mais dans une dizaine d'années, leurs goûts pourraient se porter sur d'autres secteurs, ce qui les amènerait à prendre la relève des Japonais, attirés un temps par les Impressionnistes, Bernard Buffet et la Verrerie Art Déco avant la chute brutale du Nikkei qui porta un coup d'arrêt à leur frénésie d'achats en Occident.
Demain, les riches entrepreneurs de Shanghaï ou de Pékin seront peut-être tentés de plus en plus d'acheter des œuvres d'art occidentales et vu le nombre croissant des nouvelles fortunes bâties en Chine, le marché de l'art aurait des chances de reprendre de belles couleurs.
En attendant, la morosité est de mise dans les principales villes qui font le marché. Paris, Londres et New York sont logées à la même enseigne et les acheteurs espagnols, allemands, hollandais, belges ou italiens se manifestent de moins en moins dans les ventes. Le ressort semble cassé et cela se manifeste avec la chute des chiffres d'affaires des maisons de ventes.
Ainsi, pour le premier semestre de 2004, la baisse a été de l'ordre de 12,5% par rapport à la même époque en 2003 et tout laisse croire que le second semestre ne sera pas meilleur.
L'essoufflement a gagné en fait toutes les couches du marché, du plus petit marchand au plus grand en passant par les collectionneurs, qui se sont recroquevillés sur eux-mêmes, ou les golden boys qui ont essuyé les plâtres lors de l'effondrement de la nouvelle économie en 2001.
Le malaise est profond et les remèdes sont difficiles à trouver pour l'instant car seule une reprise de la croissance en Occident peut redonner du souffle au marché, en attendant que les Chinois se manifestent, ce qui n'est pas pour demain.
Adrian Darmon